Billet

Dans la vie, il suffit souvent de peu de choses pour faire pendre conscience, oh combien, l’endroit où l’on habite peut être agréable et paisible. J’en ai encore eu la preuve, hier, samedi, en lisant les propos de Chuck Woodburry, un journaliste chevronné qui, depuis des décennies, se spécialise dans tout ce qui a trait au caravaning. Homme pausé, honnête et intègre, il est de ceux qui nomment un chat, un chat. À l’occasion, il ne lui rebute pas de pondre et de publier un brûlot sur RVTravel.com, le site web qu’il a fondé il a des lustres.

La semaine dernière, désireux de mettre en garde ses lecteurs contre une désinformation à odeur de complot affirmant que l’aide gouvernementale normalement destinée aux victimes des récents ouragans ayant frappé l’est des États-Unis avait été détournée et réorientée vers des migrants illégaux.

Réelle, cette situation aurait constitué un scandale ignominieux. Mais voilà, la nouvelle était fausse. Le mensonge se répandant à la vitesse d’un vent d’ouragan sur les médias sociaux conservateurs atteignit un niveau tel que la FEMA (Federal Emergency Management Agency), habituellement discrète, trouva essentiel de rétablir les faits et de publier un communiqué de presse qui fut repris par la plupart des médias encore consacrés à une information réelle et vérifiée. Croyant aider ses lecteurs à ne pas tomber dans le panneau de la désinformation et craindre de demander l’aide gouvernementale, Chuck reprit le démenti officiel de la FEMA sur son site web.

Il n’en fallut pas plus pour que plusieurs centaines de courriels de protestation viennent remplir la messagerie de RVTravel.com. La plupart des commentaires accusaient le site d’adopter une position communiste, de se positionner politiquement contre les républicains et de se mêler de politique. Plusieurs étaient tellement grossiers et vindicatifs que Woodburry n’eût d’autres choix que de les effacer du site. Je vous invite à lire sa réaction sur le sujet, parue hier, en suivant ce lien : https://www.rvtravel.com/rvtravel-politics-1179b/.

Après avoir lu sa réplique, j’ai pris la mesure de l’ampleur extrême de la polarisation qui frappe nos voisins. Le pire, c’est que peu importe qui, de Harris ou Trump, remportera l’élection de novembre, rien ne s’en trouvera réglé pour autant. Trump reporté au pouvoir, ses adorateurs en déduiront que, désormais, tout leur devient permis. D’un autre côté une victoire de Harris ne mettra surement pas fin à la frustration exacerbée des gens de droite. Cette impasse me fait mieux comprendre l’inquiétude des caravaniers québécois qui songent à mettre en pause leur traditionnel voyage hivernal vers la Floride, le Texas ou l’Arizona, en attendant que le calme revienne dans ce pays.

Il est vrai que chez nos voisins, l’intolérance a atteint un paroxysme inquiétant. Mais, ici, au Québec, dans quelle mesure sommes-nous à l’abri d’un comportement aussi exagéré que déboussolé ?

En plus de 15 ans d’écriture sur ce blogue, il m’est arrivé à l’occasion de recevoir des commentaires formulés par des malengueulés, mais souvent, je n’avais même pas besoin d’y répondre, de fidèles lecteurs s’empressaient de monter aux barricades à ma place pour rappeler à l’ordre, les auteurs de ces commentaires intempestifs. Un phénomène similaire à celui que j’avais observé sur le forum de la FQCC, une forme d’autorégulation émergeant de la communauté des membres du forum. Aujourd’hui, aucune digue sur les réseaux sociaux ne saurait retenir de tels abus, contrer la désinformation et rétablir un respect civilisé.

C’est alors que je me suis dit que malgré quelques rares dérapages occasionnels d’individus qui disjonctaient, dans l’ensemble, la société québécoise faisait somme toute preuve d’une grande retenue comparativement à ce qui se passe au sud de la frontière. Certes, des débordements peuvent survenir à l’occasion, mais cela ne va généralement pas plus que les mots proférés et dure pas très longtemps. Le fiel sorti, on passe à autre chose rapidement.

Peut-être, avec le temps, assisterons-nous à une détérioration de cette paix relative, mais pour le moment, je me plais à la savourer et à garder espoir en un comportement civilisé de mes compatriotes. La tranquillité du climat qui règne ici ne m’empêchera toutefois pas d’orienter ma boussole vers le sud, aux alentours de la mi-décembre, à moins que la violence prenne une tournure importante et généralisée aux États-Unis. Tout comme je le fais avant de prendre la route avec les prévisions météorologiques, je vais également suivre de près l’évolution de la situation sociale chez nos voisins.