Emplacements vacants sur la Côte

15 juin 2025

Il arrive de rares occasions où la population canadienne fasse massivement front commun avec ses dirigeants politiques. Voilà maintenant deux fois que ce phénomène se produit en moins de cinq ans. Une première lors de l’épidémie de la Covid-19 et maintenant d’une guerre tarifaire et commerciale.

Un même phénomène, mais dicté par des raisons fondamentales fort différentes. Lors de l’épidémie, la motivation constituait un réflexe de survie associé à la peur de l’inconnu. Aucun d’entre nous n’était né lorsque la grippe espagnole fit ses ravages. Par la suite, nous en avions abondamment entendu parler, mais réellement connue, non. 

La Covid-19, par la rapidité de sa progression, nous laissa béats et inquiets. Un danger mystérieux, mortel même, se promenait dans nos rues. Aussi, à l’exception de quelques sceptiques gueulards et vociférants, nous acceptâmes à contrecœur de nous conformer aux mesures de confinement imposées par nos gouvernements. Pendant des mois nous nous sommes limités à déambuler dans nos appartements devenus une bulle sanitaire plutôt que de risquer de rencontrer la Grande Faucheuse qui flottait dans l’air à chaque coin de rue.

Aujourd’hui, c’est avec un certain enthousiasme que nous répondons aux appels de nos dirigeants et d’éviter dans la mesure du possible les produits et services provenant de notre voisin de frontière. Nous commençons à mieux assimiler que les points cardinaux ne se résument pas au Nord et au Sud, mais que l’axe est-ouest peut aussi répondre à plusieurs de nos besoins, satisfaire nos goûts et rassasier nos appétits. 

Le renoncement auquel nous sommes conviés en portant nos choix sur des produits locaux et des aventures à l’intérieur de nos frontières est beaucoup moins pénible à supporter que ne le fut le confinement imposé. On en tire même de précieux avantages, qu’il s’agisse de découvertes, d’appartenance, du plaisir à transiger avec une devise toujours au pair et d’échapper aux contraintes et embarras liés aux postes frontaliers.

Un sondage mené par la Léger, commandé par nos voisins inquiets de la saison touristique qui se pointe en ce temps-ci de l’année, témoigne de l’intensité du mouvement d’appui pour supporter les efforts de nos dirigeants pour contrer les humeurs imprévisibles et paradoxales d’un président englué dans sa guéguerre commerciale.

Léger nous apprend que, non seulement l’envie de franchir la frontière sud du pays est à la baisse, mais aussi que les raisons évoquées par les Canadiens correspondent aux attentes de nos autorités. Seulement 10 % de nos compatriotes envisagent dorénavant se rendre au pays de l’Oncle Sam dans les prochains mois. Ils étaient plus de 23 % à l’avoir fait, l’an dernier. Soulignons que les Canadiens ayant choisi de traverser la frontière disent qu’ils le feront pour aller visiter des membres de leur famille proche. Les liens du cœur priment souvent sur l’insécurité des guerres.

Quant aux répondants qui ne franchiront pas la frontière conjointe, 64 % soutiennent que leur première préoccupation est en lien avec les tensions touchant les tarifs imposés et leur impact sur le commerce. Suit de très près, à 61 %, la détérioration perçue du climat politique. D’ailleurs, 47 % des répondants avouent ressentir de l’insécurité à voyager aux États-Unis.

La faiblesse de notre devise constitue également une grande préoccupation chez 46 % des personnes sondées (1 537), alors que 44 % avouent ne pas se sentir bienvenus chez nos anciens amis. Dernière raison évoquée par 40 % des répondants, une grande préoccupation des nouvelles mesures administratives imposées aux voyageurs étrangers. Plusieurs éprouvent de l’inquiétude à cet égard ou anticipent les retards résultant de leur application aux postes-frontière.

Les états limitrophes du Canada, pensons principalement à ceux de la Nouvelle-Angleterre, lieu de prédilection de plusieurs vacanciers québécois, risquent d’en souffrir cet été. À titre d’exemple, les parcs de l’état du New Hampshire constatent une baisse des réservations provenant du Canada de l’ordre de 70 %, ce qui représentera un manque à gagner non négligeable, d’autant plus que le nombre de vacanciers états-uniens semble vouloir se maintenir à ce qu’il était en 2024.

Il est encore difficile de déterminer avec précision l’impact réel qu’aura l’absence de Canadiens dans les campings de l’est des États-Unis, nous pourrons en mesurer l’ampleur à la fin de la saison estivale. Cependant les sommes sont colossales. En avril dernier, une analyse réalisée par Bloomberg Intelligence menait à la conclusion que les dépenses touristiques représentaient environ 20 milliards de dollars (USD). Évidemment, ces dépenses provenaient de l’ensemble des touristes internationaux et non seulement des Québécois et des Canadiens.

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