Posséder un VR qui avance en âge est loin d’être la tendance dans le marché. D’autant plus que de nombreux exploitants de terrains de camping refusent que leur clientèle de campeurs saisonniers possède tout modèle ayant plus de dix années au compteur. Alors, qui sont ces irréductibles qui campent fièrement dans une caravane dont la durée de vie a largement dépassé la décennie ?
Lorsque Ghislaine a mandaté son conjoint Franck de trouver un véhicule récréatif afin que le couple puisse partir faire le tour du Canada, elle était convaincue de demander la lune. « Je rêvais d’un VR d’occasion que l’on achèterait à bon prix. Un VR qui serait équipé d’une solide mécanique avec transmission Allison, d’un grand lit et d’un comptoir suffisamment spacieux pour loger mon Thermomix », se souvient-elle.
Quatre mois plus tard, à l’automne 2018, le couple d’origine française avait déniché ce qu’il souhaitait : une autocaravane Pace Arrow avec moteur Chevrolet… 1998.
Malgré son âge avancé, le VR n’affichait que 113 000 kilomètres à l’odomètre. Ses premiers propriétaires, dit-elle, voyageaient régulièrement en Floride alors que les deuxièmes le laissaient stationné sur un terrain de camping au Québec.
Achetée pour moins de 25 000 $, l’autocaravane avait néanmoins besoin d’amour. « Nous avons inspecté le véhicule de long en large, refait le système de freinage, posé un nouveau plancher, changé la tuyauterie, installé de nouveaux pneus et des panneaux solaires, modifié la salle de bain, modifié l’éclairage… Près de 20 000 $ plus tard, le VR était prêt à partir », raconte la caravanière.
Remarquez, le couple n’était pas si dépaysé en matière de rénovations. « Dans le sud de la France, où nous avons vécu jusqu’en 2005, nous vivions dans une maison centenaire. Nous avons également rénové deux maisons centenaires depuis notre arrivée au Québec. Les travaux ne nous faisaient pas peur. De plus, nous avions tout budgété au dollar près. Nous savions que ce véhicule était équipé d’une mécanique fiable avec laquelle les experts en rénovation de VR aiment travailler. »
Prévu à l’été 2020, le départ du couple en direction des Maritimes a été retardé en raison de la pandémie. Qu’à cela ne tienne, au début du mois de septembre 2022, Ghislaine et Franck ont enfin pu quitter leur résidence dans les Cantons-de-l’Est en direction de l’est pour un long séjour de cinq semaines, la première étape de leur tournée canadienne en compagnie de Lulu, leur VR.
Bichonner sa maison d'été
Pour Marielle et son conjoint, les années que cumule leur caravane de parc General Coach, installée paisiblement dans un camping à Trois-Rivières, ne constituent nullement un obstacle à leurs yeux. Depuis que le couple en est devenu propriétaire en 2006, le VR fait l’objet de soins jaloux chaque été. « On le lave tous les ans de fond en comble. Un nettoyage en règle lors duquel chaque joint est scrupuleusement inspecté et garni de silicone pour prévenir les infiltrations. On applique ensuite de la cire sur les murs extérieurs ainsi qu’un produit protecteur sur le toit. Jusqu’à maintenant, nous n’avons jamais eu de problème », souligne fièrement Marielle qui a déjà hâte à l’été prochain.
Amenez-en des projets
Les VR matures ne font pas peur à Billy non plus. Sa famille et lui parcourent en moyenne entre 15 000 et 20 000 kilomètres par année à bord d’un VR qui affiche généralement plus de 15 années de service. Il faut dire que ce caravanier, passionné de courses de motocross, gagne sa vie à réparer et rénover des VR depuis plus de 20 ans. Quand ce n’est pas au volant d’une vieille autocaravane Gulf Stream 1994, c’est aux commandes d’une classe C 2000 qu’il prend la route vers l’Ontario, la Caroline du Sud ou le nord de la Floride. « En fait, j’achète ces VR aux clients qui n’en veulent plus. Je les répare et je les revends », explique l’expert-réparateur qui adore la mécanique et la robustesse des équipements construits avant 2008.
Selon Billy, lorsque le prix d’achat et des rénovations nécessaires pour retaper un modèle d’avant 2008 reviennent moitié moins cher que la valeur actuelle d’un VR, ça vaut le coup d’effectuer les travaux. Surtout si vous êtes manuel, précise-t-il.
Sa dernière trouvaille, une autocaravane Travel Supreme 2003 achetée d’un client il y a deux ans, a fait l’objet d’une revitalisation complète qui lui donne des airs de jeunesse. Nouveau plancher, nouvelle douche, peinture extérieure neuve… Le VR ne semble pas du tout être sorti de l’usine il y a déjà 20 ans. Est-il à vendre ? « Pas pour le moment. Je le trouve trop beau », conclut son propriétaire.
Parier sur la mécanique Volkswagen
Dominic raffole des modèles Westfalia des années 1960. Mais ce n’était pas le véhicule récréatif approprié pour aller faire le tour des provinces maritimes avec sa conjointe et les deux enfants âgés de moins de dix ans l’été dernier. « Pour le grand voyage, ça prenait une autocaravane plus spacieuse avec une douche, une toilette et un climatiseur », soulève le papa. Et puisqu’il est passionné de mécanique Volkswagen, ô combien, il a été comblé lorsqu’il a déniché, en pleine pandémie, un modèle Eurovan Itasca 2002 avec 135 000 kilomètres à l’odomètre. Le bonheur !
« C’était en plein ce que je cherchais. Malgré quelques ajustements qui ont été nécessaires, je savais que la mécanique de ce VR était fiable. Et grâce à mon réseau de contacts au sein de la communauté Volkswagen, j’ai pu commander des pièces venant d’Europe qu’aucun concessionnaire Volkswagen d’ici ne tenait en stock », raconte Dominic.
Pendant les deux derniers étés, non seulement le VR (surnommé Hervé le magnifique) a servi à réaliser le grand voyage de la famille, il a aussi régulièrement fréquenté plusieurs terrains de camping de la Sépaq et plusieurs adresses du réseau Terego, fait savoir Dominic. Mais la famille a désormais d’autres plans de voyage dont l’Eurovan ne fait plus partie. Mis en vente à la fin de l’été 2022, le VR a d’ailleurs trouvé preneur en moins d’une semaine. « Sensiblement au même prix que je l’avais payé », précise le caravanier.
En attendant de partir vers de nouvelles contrées, peut-être en chalet ou sous une tente Huttopia, la famille continue de se promener en Westfalia 1966. Un petit véhicule juste assez confortable pour les piqueniques et autres sorties familiales d’un jour, confie le papa.
Choisir son VR comme passetemps
Remplacer deux fois les huit pneus ainsi que le système électronique audiovisuel du VR. Changer le radiateur et les amortisseurs au moins une fois. Multiplier les entretiens et les graissages chaque année ici et là pour maintenir la mécanique en bon état. L’autocaravane de classe A Country Coach Lexa de 13,1 m (43 pi) de Jacques et Louise n’aurait sans doute jamais célébré ses 20 ans de « sortie de l’usine » en février 2022 si son propriétaire n’avait pas été un mordu de VR.
« Pour entretenir une telle mécanique avec passion, il faut absolument que le VR soit votre seul et unique passetemps », soutient Jacques qui veille jalousement sur le bon fonctionnement de son autocaravane depuis qu’il en a fait l’achat en 2005. Certes, l’entretien et l’achat de pièces du VR coute en moyenne 3 500 $ par année à ce couple qui habite Ottawa. « Mais cela nous en aurait couté aisément le double si je ne faisais pas moi-même les réparations et l’entretien », maintient le caravanier.
Pour la petite histoire, Jacques et Louise sont de grands voyageurs depuis qu’ils se sont rencontrés à la fin de 1984. Ils sont même partis faire le tour du monde trois mois après leur rencontre. « On a tellement aimé ça qu’on a fait un pacte. Afin de voyager au moins trois à six mois par année, nous avons tous les deux troqué nos boulots respectifs, dans mon cas administrateur académique et technicienne en radiologie pour Louise, pour adopter une profession « valise ». Nous avons fait carrière en immobilier », raconte Jacques.
Après avoir voyagé en Westfalia et à bord de deux autocaravanes de classe A Southwind de Fleetwood – chaque véhicule, dit-il, a parcouru au moins 100 000 km –, le couple a jeté son dévolu sur une Country Coach, repérée sur le site web d’un commerçant de Dallas, au Texas. « Celui-ci nous a vendu ce VR, qui affichait moins de 20 000 km à l’odomètre, pour 290 000 $ US. C’était une aubaine. L’autocaravane était encore neuve. Son ancien propriétaire l’avait payée plus de 750 000 $ US. Je me souviens, le microonde ainsi que la laveuse-sécheuse n’avaient même pas encore été utilisés. Les cartons de protection étaient toujours dans les appareils », précise le caravanier.
Depuis 17 ans, le couple de septuagénaires, qui fait partie de Membres associés de Caravaning Québec, n’a jamais eu d’ennuis mécaniques sur la route. Et tant que la santé leur permettra de voyager, Jacques et Louise ont bien envie de voir encore du pays à bord de leur VR.
Ils roulent, mais...
La pénurie de produits de toutes sortes pendant la pandémie a incité plusieurs caravaniers à rafistoler des VR d’occasion. D’ailleurs, la blogosphère et YouTube regorgent de conseils et de manoeuvres pour maintenir et réparer des VR qui avancent en âge. Or, ces équipements remis à neuf ne sont pas systématiquement les bienvenus dans tous les terrains de camping, nous signalent une bonne dizaine d’exploitants que nous avons contactés. Tous exigent de leurs saisonniers un VR âgé de moins de dix ans. Même Le Corral à Trois-Rivières, qui n’avait pas ce type de règlement, vient d’y remédier avec l’arrivée d’un nouveau propriétaire.
Pourquoi cette date de péremption ? « Ce règlement existe par souci de respect entre les caravaniers. Il permet également aux gestionnaires de terrains de camping de s’assurer que les caravanes demeurent mobiles », nous indique une gestionnaire qui préfère garder l’anonymat. Jusqu’à présent, aucun terrain au Québec ne semble imposer une limite d’âge aux VR des campeurs voyageurs. Mais il semble que ce règlement existe dans certains campings de nos voisins du Sud. Mieux vaut vérifier avant de s’y rendre.