Un retour au pays inhabituel
6 avril 2025
Ça y est, Michelle et moi avons débuté notre remontée vers le Québec. Mardi dernier, nous avons quitté Miami et sommes aujourd’hui dans la région de Daytona où nous nous attarderons une dizaine de jours avant de nous engager dans la dernière étape. Notre arrivée au pays est toujours planifiée aux alentours du 20 avril, à moins d’une bifurcation forcée vers Guantanamo ou El Salvador.
Cette dernière boutade me permet de revenir sur la situation qui préoccupe plusieurs de mes compatriotes caravaniers. Depuis que nous avons repris la route, j’ai été à même de constater que la migration des Québécois vers le nord s’est enclenchée beaucoup plus tôt cette année… et de brusque façon.
Deux gérants de campings à forte concentration québécoise où je me suis arrêté m’ont confirmé que je n’avais pas été victime d’hallucinations et que la débandade est bien réelle. D’un coup sec, plusieurs ont plié bagage et devancé leur départ pour revenir à la maison au plus sacrant, cela même s’il leur restait encore plusieurs nuitées déjà payées dont ils auraient pu profiter. Les gérants avec lesquels je me suis entretenu m’ont avoué que certains d’entre eux étaient littéralement paniqués par les mesures du grand spécialiste en décrets de tous genres.
Pourtant la peur n’est pas nécessairement une chose négative en soi. Elle est même un outil précieux en matière de survie. Toutefois, on ne doit pas la laisser nous dominer, car alors, on perd ses moyens, un peu comme le lièvre qui, flairant un danger, se met à courir et s’arrête sec, au moindre cri du chasseur expérimenté, devenant ainsi une cible facile à atteindre.
Généralement, chez les humains, la peur ne paralyse pas les jambes, mais plutôt notre faculté de raisonner, d’analyser, en un mot de garder la tête froide. Un afflux trop grand d’émotions n’aide en rien à voir clair, bien au contraire. Contrairement au lièvre, pour nous, la fuite s’impose comme seule esquive au danger. Vite à la maison pour sortir du danger et retrouver la garantie d’une véritable sécurité.
Je ne veux pas discréditer personne ayant choisi de devancer son retour. Après tout qui peut se vanter de n’avoir jamais connu un moment de panique ? La peur se nourrit de tout, peu importe que cela soit réel, factuel ou imaginaire. S’ajoute à cela la déformation de ce que l’on nommait dans ma jeunesse, le téléphone arabe. (Ne me traitez pas de raciste, car, il fut un temps ou il y avait des nègres, des femmes qui devaient rester à la maison et n’avaient pas droit de vote, des curés qui assuraient leur pouvoir en menaçant les récalcitrants des affres de l’enfer. Ne pas le reconnaître reviendrait à réécrire l’histoire, ce que je laisse à un certain président et ses adorateurs.)
Malheureusement, trop souvent, sans même en être conscient, on dit ou écrit des propos qui introduisent un biais à la réalité. Deux exemples qui, au premier coup d’œil, semblent insignifiants, mais qui contribuent à propager une information légèrement tronquée. Sur le forum de la FQCC, j’ai vu une enfilade dont le titre s’énonçait ainsi : Décret au sujet des Snowbirds.
Tout d’abord, il n’existe aucun décret dédié aux snowbirds. Celui auquel on fait allusion concerne tous les visiteurs qui entrent dans le pays dont on parle. Dans un décret qui inclut une population de 3 milliards de personnes, la contrainte imposée est beaucoup moins ciblée que si elle ne s’adressait qu’aux seuls Québécois ou Canadiens désireux d’échapper aux rigueurs de l’hiver.
Personnellement, si ma tête était mise à prix, j’aurais tendance à paniquer pas mal plus que dans la situation actuelle. Or, laisser entendre que le décret a été conçu pour les snowbirds concentre le degré de menace sur une clientèle beaucoup moindre que l’ensemble des visiteurs provenant du monde entier, avec comme conséquence directe de faire rapidement monter la pression chez les personnes vulnérables à l’insécurité.
Deuxième exemple, affirmer que les mesures seront en vigueur au 11 avril n’est pas vraiment vrai puisque dans la réalité, elles commencent après 23 h 59, donc le 12 avril. Une précision très minime j’en conviens, pourtant, pour un anxieux, cela peut l’amener à retrancher une journée à son séjour. Il suffira qu’une autre personne — n’ayant pas vraiment lu le décret — plaidant la bonne foi et son empathie pour le voyageur et un désir d’améliorer le coussin de sécurité, devance d’une deuxième journée la date fatidique pour qu’un autre et un autre continuent de reculer le calendrier. À la limite, l’amplification de cette dérive pourrait ramener la contrainte à une date antérieure à la signature du décret lui-même. Voilà où peut mener l’absurdité de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours…
Dernier point. Une mesure de quelque ordre qu’elle soit n’a de valeur que dans sa capacité d’être appliquée. À défaut, elle devient inutile. Le retrait de l’obligation de fournir ses empreintes digitales qui fut abandonné, car impossible à appliquer à court terme, en constitue la plus belle illustration.
De plus, le funeste décret précise que les officiers de l’agence gouvernementale ICE (Immigration and Customs Enforcement) assumeront la responsabilité de l’appliquer. Deux policiers, municipal pour le premier, et de la route pour l’autre, m’ont confirmé que l’application des normes relatives à l’immigration n’était pas de leur ressort et qu’ils avaient beaucoup d’autres chats à fouetter. Autre indice probant, comment une chasse aux délinquants de l’I-94 pourrait-elle s’avérer efficace dans un contexte où une administration effectue des coupes à blanc dans son personnel ?
Il est cependant vrai que le décret en question pourrait dans les prochains mois être appliqué. Ce décalage représente une bonne nouvelle pour les snowboards puisqu’ils seront alors revenus au bercail depuis longtemps et auront plusieurs mois pour se préparer aux contraintes qui les attendront. Personnellement, cela me donnera de temps pour approfondir la question et tenter d’y voir plus clair.
Ce n’est pas parce qu’il entre en vigueur à 0 h, le 12 avril que le décret sera appliqué sur le champ, contrairement aux tarifs douaniers annoncés la semaine dernière. Même dans ce dernier cas, des calculs sophistiqués seront nécessaires pour déterminer les montants exacts et, par la suite, suivra une rétroactivité remontant à la date de l’annonce. Ah oui, il faudra aussi prévoir une formation en mathématique pour les manchots des îles Heard et MdDonald afin qu’ils puissent calculer ce qu’il leur en coûtera et déterminer le montant des contremesures qu’ils appliqueront.
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Paul Laquerre
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Commentaires
Marcel
Comme Pierre l'a bien dicté, que se passe-t-il pour ceux qui n'ont pas d'endroit fixe, par exemple je pars du Québec, me rends en Floride, repars pour l'ouest des USA, reviens en Floride, je ne sais pas comment ça va se faire. Y a-t-il des renseignements à ce sujet... :-)
Pierre
Merci de votre message M. Laquerre. Je me demande si les “road trip” et le boondocking ne sont pas des plaisirs désormais interdits aux USA … Comment enregistrer une adresse d’avance conformément aux décrets du nouveau roi lorsqu’on voyage sans planifier l’endroit où on passera la nuit ? Une telle planification obligatoire va à l’encontre des voyages en van où l’improvisation et la spontanéité sont des ingrédients majeurs du plaisir de cette activité.
JC
ALERTE : Un nouveau guide est disponible couvrant les règles d'enregistrement immatriculations aux États-Unis pour les snowbirds qui passent 30 jours ou plus aux États-Unis. https://www.snowbirdadvisor.ca/guide-us-registration-requirements-canadian-snowbirds-spending-30-days-or-more-us?utm_source=brevo&utm_campaign=30_day_registration_2025_Apr_All&utm_medium=email
JC
Encore une autre contrainte qui pourrait contrarier les visiteurs qui vont aux USA: Téléphones et ordis fouillés: voici comment éviter le pire lors de votre prochain séjour aux États-Unis. Ce n'est pas encourageant d'aller encore aux USA en cette période tumultueuse. https://www.24heures.ca/2025/03/31/telephones-et-ordis-fouilles-voici-comment-eviter-le-pire-lors-de-votre-prochain-sejour-aux-etats-unis?utm_campaign=Infolettre%2024h%20-%203%20avril%202025&utm_name=&utm_medium=email&utm_source=24H&utm_content=2025-04-03
Normand
Merci Paul pour ce billet très instructif et rassurant, vos propos sont justes et pertinents comme cela est votre habitude. Cordialement.
Stephane
Effectivement la panique nous fait faire parfois de mauvais choix, par contre même si le décret n'est pas applicable ou que les snowbird ne sont pas spécifiquement ciblé il en reste que la bêtise humaine existe. Comme un collègue qui s'est fait enguirlander par un policier d'Orlando la semaine passé, pour la simple raison qu'il est Canadien et qu'il n'avait pas affaire dans SON pays. J'ose même pas imaginé si en plus il n'aurait pas bien parlé anglais. Il ne faut pas paniqué, notre sécurité n'est pas menacé mais les pro-Trump sont quand même présent partout, ils peuvent être désagréables, même intimidants. Alors pour montrer notre désaccord et pour s'éviter des soucis le retour est probablement une bonne idée pour la majorité des gens. On verra bien comment le tout vas évoluer.
Mario
Pas de panique svp, de notre côté, aucun changement dans notre plan pour notre retour au Qc c.a.d nous partons du Sud Floridien seulement le 12 avril comme prevu pour entrer le 18 avril. La peur n'est pas bonne conseillère.
Vital
Avec beaucoup de plaisir et excitation. nous avons très bien planifié et préparé un voyage en Alaska pour un départ au début de mai 2025. Présentement, ça ne fait pas de sens rationel pour nous de pénaliser notre économie canadienne pour un voyage de 4-5 mois au profit des autres pays. Avec la conjoncture actuel, nous avons alors décidé de dépenser ces dizaines de milliers de dollars au Canada en visitant l'ouest canadien et autres. J'ai beaucoup investi de temps pour aller en Alaska mais nous sommes bien heureux d'aider les foyers canadiens. C'est super beau et spécial les USA mais nous n'avons rien pour les envier dans notre magnifique pays.
jacques
Nous avons complété le formulaire g-325 r…..dans un camping de las vegas..tout est correct nous revenons à la mi mai..ma seule préoccupation pour l’instant je n’ai pas l’intention d’aviser de tous mes changements d’adresse sur la route du retour..ça me semble inutile et inaplicable à notre situation de personnes qui se déplacent en van..
Michel
Merci M. Laquerre. Cela me rassure et confirme ce que je pensais. Il me semble tout à fait irréaliste de croire que ce décret puisse être appliqué avant plusieurs semaines/mois. Nous avons donc gardé notre itinéraire tel que prévu. Nous quittons la Floride le 10 avril pour séjourner 2 semaines à Myrtle Beach avant de revenir au Québec le 30 avril.
Estelle
De ce que j'ai retenu après quelques lectures sur le site des douanes américaine, cela ne semble pas si compliqué. Comme je suis déjà enregistrée, j'ai facilement accès à la I-94 avec mon historique de voyage. Il me restera à enregistrer l'entrée de mon futur départ de plus de 30 jours, ce qui ne sera pas nécessaire puisque mon prochain voyage durera 28 jours.
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