Paperasse à la frontière

8 septembre 2024

Preuve que plusieurs Québécois se préparent à échapper à l’hiver, samedi matin, alors que, fidèle à mes habitudes quotidiennes, je prenais connaissance des nouvelles publications apparues sur le forum de la FQCC, je suis tombé sur une question posée par Envacances, un avatar appartenant à un nouveau venu sur ce lieu de discussion. La voici :

Est-ce qu’il y a des gens qui ont rempli le formulaire I-539 pour prolonger leur séjour ? Avez-vous reçu une réponse positive ? Je prévois faire un road trip vers le sud puis d’est en ouest. Idéalement j’aimerais partir cet automne. Faire 2-3 mois en 2024 et les 6 premiers mois de 2025 pour ne pas avoir à faire d’impôts américains. J’aimerai couper l’hiver et voir les rocheuses en été. Les autres options seraient de trouver un endroit pour entreposer mon VR aux USA et revenir au Québec quelque temps ou partir après la période des fêtes pour 6 mois. Je suis ok côté assurance. C’est uniquement les 6 mois aux USA sur les 12 derniers mois qui bloquent. 

Une question qui, de toute évidence, tracassait la personne se préparant actuellement pour un long voyage chez nos voisins. J’aurais pu tenter de la rassurer directement sur le forum, mais j’ai pensé que le sujet abordé pouvait sans doute être une source de tracas pour tout individu peu familier avec la bureaucratie des passages frontaliers. Voilà pourquoi j’ai décidé d’en faire mon billet de cette semaine.

Depuis plus de 35 ans, je traverse régulièrement la frontière qui sépare le Canada des États-Unis, et ce, souvent pour des séjours de plusieurs mois au soleil. C’est donc dire que je ne prends pas à la légère les conditions imposées aux visiteurs. Je ne voudrais surtout pas être interdit de séjour au pays de l’Oncle Sam et me voir contraint à me les geler durant les hivers qui sévissent chez nous.

Pendant des années, j’ai tenté de décortiquer certaines règles ou pseudo-règles qui circulaient dans la communauté des caravaniers québécois. Chaque fois, les réponses obtenues me semblaient évasives, pleines de sous-entendus et d’ambiguïté. Finalement, à la fin de l’automne 2023, la lumière apparut. Pour la première fois, je recevais une réponse, aussi claire qu’officielle, déboulonnant plusieurs ragots amplifiés par la boucane de feux de camp souvent trop arrosés.

Je vous résume son contenu. Tout d’abord, elle établissait une distinction importante concernant les citoyens canadiens. Ceux-ci, considérés comme résidents d’un pays ami, se voyaient accordé des privilèges auxquels plusieurs pays ne pouvaient avoir droit. 

Certes, la règle officielle qui régit les séjours aux États-Unis fixe la durée maximale autorisée à six mois, un séjour qui peut varier de quelques jours selon les mois où l’on foule le sol états-unien, mais également un 29e jour s’ajoutant à février lors d’année bissextile. Pour compliquer un peu plus le calcul, les fonctionnaires de ce pays ne se basent pas sur l’année traditionnelle, du début janvier à la fin décembre, préférant plutôt utiliser les douze derniers mois pour calculer le séjour. 

Cela signifie donc que, pour les employés des services frontaliers états-uniens, le calcul d’un séjour sur leur territoire débute le jour même où vous mettiez le pied dans le pays et se termine un an plus tard. Un exemple : la frontière est franchie le 18 octobre, le chronomètre se met en marche et continuera son calcul jusqu’à minuit le 17 octobre de l’année suivante.

Si, durant cette période vous sortez des États-Unis, pour faire une croisière en Europe ou ailleurs ou encore revenir au Québec pour les Fêtes, vous pourrez déduire de votre total chaque journée complète passée sur un sol autre qu’états-unien. Ici, le mot complète suppose que la journée ou vous quittez les États-Unis ou que vous y revenez, doit être comptabilisé comme passée dans ce pays, cela même si elle ne représente qu’une infime fraction de 24 heures.

Parlons maintenant de nos privilèges en tant que citoyens d’un pays ami. Tout d’abord, nous ne sommes pas tenus d’obtenir un visa de séjour, comme imposé aux autres pays. Deuxièmement, et c’est là que cela devient intéressant, l’agent des services frontaliers peut, à sa discrétion, laisser tomber le délai maximal de six mois s’il estime que vous ne cherchez à immigrer illégalement dans son pays. Ça, mes amis, c’est un énorme privilège.

L’automne dernier, je l’ai mis à l’épreuve pour valider la réponse que l’on m’avait fait parvenir. Michelle et moi avons franchi la frontière étasunienne alors que notre quota des douze mois précédents excédait de trois ou quatre jours la limite légale, juste pour voir l’accueil qui nous serait réservé. Jamais dans tous nos voyages, il nous fut plus facile de traverser. Moins de 30 secondes après s’être immobilisés à la guérite, nous reprenions notre voyage d’hiver.

Le pouvoir discrétionnaire accordé à l’agent des services frontaliers s’appuie sur sa perception de la personne qui s’adresse à lui. Il peut poser des questions sur la durée prévue du séjour, les liens sociaux et financiers du visiteur, sa destination et son motif, mais surtout, il prend en compte ses séjours précédents pour établir son profil de voyageur .

L’importance de ce dernier point est cruciale en ce sens qu’il indique hors de tout doute que le visiteur n’a nullement l’intention de ne pas revenir au Canada. Certes, lors d’un premier voyage, cette crédibilité reste difficile à démontrer, mais la présence d’une propriété au Québec, d’une institution financière, d’un employeur… peuvent suppléer à l’absence de séjours déjà accumulés. 

Il ressort donc de ces observations que le formulaire I-539 ne devrait pas inquiéter Envacances, àl’origine de ce billet. Personnellement, je ne l’ai jamais rempli et je ne connais aucun caravanier qui l’a fait.

Par contre, il me faut corriger ce membre du forum de la FQCC. En partant en octobre, revenir pour quelques semaines en décembre, ne remettra pas le compteur des journées de séjour aux États-Unis à zéro. Au mieux, il permettra de diminuer le total de ses jours de présence en sol états-unien durant les douze mois amorcés le premier jour d’octobre où il aura traversé la frontière.

Quant à la nécessité de produire une déclaration de revenus dans ce pays, elle ne s’appliquera pas, peu importe qu’il revienne au Québec durant la période des Fêtes. Cela pour deux raisons. La première étant que dans le cas de l’impôt, le compteur de jours se remet à zéro chaque premier janvier comme pour la RAMQ et nos ministères du Revenu canadien et québécois. En se terminant comme prévu avant la fin de juin 2025, il sera à l’intérieur du quota de présence fiscale. 

De plus, son objectif n’étant que touristique, il ne devrait s’accompagner d’aucun revenu de travail, élément essentiel à la production d’une déclaration fiscale. Envacances peut donc partir tranquille et profiter de son périple pour faire le plein de souvenirs indélébiles… et non imposables.

Commentaires

Daniel

Excellente informtion,merci

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