Le tour de ma région en deux mois
24 mai 2023
Une saga régionale
La très très grande majorité des voyageurs en camping (et de tous les voyageurs) prétendent avoir fait le tour d’une région (et même parfois d’un pays) après quelques jours de visite. Rien n’est plus inexact et j’ai voulu le démontrer en prenant deux mois pour faire le tour de ma propre région.
Ce que je veux démontrer dans cette démarche, c’est qu’on en prend toujours trop large quand on prépare l’itinéraire de nos vacances ou de nos grands projets. Dans le fond, je pose la question: « Pourquoi rouler des milliers de kilomètres ? Dépenser des fortunes en carburant? Perdre du temps hyper précieux sur la route et, surtout, toujours rester en superficie des endroits visités? J’ai la certitude, après maintenant près de 40 ans d’expérience en journalisme touristique et dans le secteur du caravaning, que toutes nos régions on de quoi nous retenir beaucoup plus longtemps si seulement on prend le temps de bien s’informer de ce qu’elles ont à nous offrir et si on manifeste un minimum de curiosité.
Malheureusement, nous vivons à la course. Nous voyageons à la course. Nous prenons nos vacances à la course et nous vivons nos retraites à la course. Incapable de s’arrêter. De respirer. De regarder autour. D’explorer. D’aller vers les gens. De prendre le temps de vivre…
Cocher la Gaspésie après 3 jours pour en faire le tour. Les Cantons-de-l’Est n’ont plus de secret pour nous après y avoir passé une longue fin de semaine. On est des spécialistes des Laurentides puisqu’on passe toutes nos vacances estivales au camping du Mont-Tremblant. La Côte-Nord: « J’ai donc aimé ça. Mais c’est beaucoup de routes en une semaine. » Le Lac-Saint-Jean ? On a tout vu après en avoir fait le tour… Parfois dans la journée.
Je me suis toujours insurgé contre cette façon de faire. J’ai même toujours cru qu’on peut être touriste dans notre propre région et que, si on le voulait vraiment, on apprendrait énormément et on aurait probablement plusieurs surprises de taille si on décidait de l’explorer avec l’œil d’un touriste, que l’on soit de Montréal ou d’Abitibi…
On parle généralement du tourisme comme d’une sorte de survol d’un pays, d’une région ou d’une ville. Il s’agit de s’y arrêter à ce que d’autres ont désigné pour nous comme étant « l’essentiel » des choses à voir et à faire. Cet « essentiel » est trop souvent comme un théâtre créé sur mesure pour les touristes afin de correspondre à l’image stéréotypée qu’on a d’un lieu et de sa population ou de sa culture.
Tourisme sur mesure
C’est ainsi qu’on s’est mis à construire de grandes auberges de bois rond partout au Québec à partir de 1990 dans le but de répondre à l’imaginaire des touristes français qui pensaient que nous vivions tous dans ce genre de « cabane au Canada ». Il ne fallait pas les décevoir et on leur en a donné pour leur argent.
C’est d’ailleurs à cette époque que les entreprises de traineaux à chiens ont commencé à se multiplier chez nous alors que cette activité est à peu près inexistante dans notre histoire. Il est d’ailleurs amusant et révélateur de constater aujourd’hui qu’un grand nombre de ces entreprises sont propriétés d’Européens.
Voyager différemment
Le voyage en VR nous donne la liberté de voyager à notre rythme et d’être seuls maitres de notre agenda. Mais, encore là, attention ! Cette image idyllique de la petite famille qui campe en totale solitude dans un décor de rêve sous le soleil qui décline… Elle n’existe pas dans la réalité. Ce n’est pas vrai qu’il soit possible et permis d’arrêter dans les plus beaux « spots » en Amérique du Nord… De s’y retrouver seul au monde. D’allumer un petit feu et de sortir les guimauves…
Toutefois, je dois reconnaitre que l’expérience m’a démontré qu’il est parfois possible de s’approcher de cette utopie en adoptant un mode de voyage que je qualifierais de « systématique ». J’ai appliqué cette façon de faire à maintes reprises pour mon travail qui demande souvent des recherches minutieuses. Prenons le cas du guide de voyage Ulysse sur la Côte-Nord que j’ai fait il y a plusieurs années. Je suis parti de Tadoussac et, à partir de la route 138, j’ai pris tous les chemins sur la droite qui conduisaient vers la mer. Ça m’a permis de découvrir des endroits incroyables, pittoresques, tranquilles et méconnus au bord du fleuve. Des campings. Des quais. Des villages. Des petits coins isolés où se cacher. Des plages. Des sites historiques et bien d’autres choses. Je ne dis pas qu’il faille se prendre de cette façon pour visiter une région, à moins d’être un peu maniaque. Je veux cependant démonter qu’il faut parfois se laisser aller à prendre des chemins dont on ne connait pas l’issue. D’étirer le cou pour voir plus loin et apercevoir ce qui ressemble à un chemin. Être curieux… C’est tout !
Chez moi…
Sans même m’éloigner de chez moi, j’ai tout simplement appliqué cette façon de faire en partant de la limite sud-est de notre région: le Bas-Saguenay. Je suis parti du premier village où je me suis installé le temps qu’il ait fallu pour en faire le tour. Puis je suis passé au suivant. En me disant que, dans quelques semaines, je conclurais à Tadoussac après avoir fait le tour du Lac-Saint-Jean.
Mais, contre toute attente, après un mois sur la route, j’étais encore au nord du Lac-Saint-Jean. Il a fallu que je reprenne l’année suivante là où j’avais laissé. J’ai donc pu, en deux mois, faire le vrai « Tour du Saguenay-Lac-Saint-Jean » bien que, très honnêtement, je sois toujours habité par une grande frustration. Celle d’avoir manqué trop de choses…
Je vous invite donc, durant mes prochaines chroniques, à me suivre dans cette Grande-Virée !