Le mot juste ou... le poids des mots

21 septembre 2025

Souvent, le langage parlé qui meuble notre vie contredit les définitions formulées dans les dictionnaires, mais aussi les multiples formes de discours associées aux plans légal, technique, scientifique, bureaucratique ou médical. Dans chacun de ces secteurs de l’activité humaine et plusieurs autres, les mots doivent respecter leur sens original avec grande rigueur. Ainsi, l’utilisation du mot « écoeurant » pour qualifier un repas, un loisir, un film, un vêtement ou un bijou, qui nous a énormément plu, suffit à plonger tous les dictionnaires dans une crise d’urticaire. Comment concevoir que le très beau et le tellement plaisant puissent donner envie de vomir ?

Bien sûr, la tolérance humaine nous amène à comprendre, à pardonner et passer sous silence ces paradoxes quotidiens, mais il en va autrement pour les organismes officiels et corps professionnels, pour qui les mots doivent être conformes à leur définition. Je vous raconte, dans ce billet, les déboires de Denise Pommet qui a été confrontée au réel poids des mots lors d’un conflit avec la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ). Sans référer à l’actualité que l’on connaît, on peut dire que SAAQclic n’a, une fois de plus, pas cliqué au premier coup.

Denise achète une fourgonnette Mercedes Sprinter de type cargo (sans fenêtre ou quelconque finition intérieure, sur la tôle quoi !) avec l’intention d’en faire une autocaravane et de l’utiliser pour voir du pays. Après maintes recherches, elle déniche un aménageur de confiance à qui elle confie les travaux requis. Le travail fini, elle se rend à un point de services de la SAAQ pour immatriculer son véhicule. Et là commence l’aventure !

En toute bonne foi, elle raconte au préposé devant elle qu’elle acheté une coquille de fourgonnette qu’elle a fait modifier afin de pouvoir l’habiter durant ses voyages et escapades. Gentiment, l’employé offre de l’assister dans sa démarche et et se renseigne sur l’usage qu’elle fera de la fourgonnette devenue VR. 

Après avoir consulté son cahier de normes à la page des véhicules modifiés, celui-ci annonce à la future caravanière que son VR, doit, préalablement à toute immatriculation, être soumis à une inspection réalisée par un ingénieur professionnel afin d’établir qu’il respecte toutes les normes de sécurité requises pour circuler sur des chemins publics. Suite à une inspection positive, la propriétaire devra se présenter dans un atelier accrédité par la SAAQ qui procédera à une vérification mécanique complète.

Pour ajouter une couche supplémentaire, Denise devra à nouveau revenir au point de services de la SAAQ où sera alors déterminée la catégorie de la plaque d’immatriculation associée aux véhicules lourds. Le préposé l’informe également qu’elle devra présenter annuellement dans un atelier mécanique accrédité pour y subir une nouvelle inspection de conformité mécanique. Dépitée, la pauvre dame ressort du bureau, persuadée que son rêve venait de tourner au cauchemar.

Elle se souvient alors qu’au tout début de ses recherches sur le caravaning, elle m’avait consulté pour obtenir des renseignements, des adresses vers lesquelles se tourner et, aussi, me demander quelques conseils. Ayant conservé mes coordonnées, elle décide de me contacter à nouveau.

Après l’avoir écouté dans ses malheurs, je lui dis que je suis plutôt surpris des tracasseries dans lesquelles elle s’est retrouvée, d’autant plus qu’il y a plusieurs années, j’avais personnellement piloté, au nom de la FQCC, des négociations auprès des autorités gouvernementales afin de les sensibiliser aux besoins des caravaniers et expliquer la spécificité des véhicules récréatifs et de leur usage. 

Il avait résulté de ces rencontres que les autocaravanes, de même que tous les autres types de véhicules récréatifs, avaient pu obtenir un statut particulier, différent de celui des poids lourds et favorables aux caravaniers. À titre d’exemple, lors de la mise en force de l’obligation d’installer des pneus d’hiver durant la saison froide, les « snowbirds » avaient échappé à la contrainte et pu profiter des dérogations prévues à la réglementation. 

En discutant avec elle, je pris conscience que la source du problème auquel elle était confrontée provenait sans doute du terme qu’elle avait employé lors de sa première visite pour immatriculer son VR. Elle avait mentionné au préposé que sa fourgonnette avait été modifiée alors que le terme approprié qu’elle aurait dû employer était « amménagée ». 

Même si, dans le langage courant, on qualifie nos entrepreneurs québécois, Safari Condo, Montecarlo, Panoramix et autres, spécialisés dans les VR de classe B, de fabricants, ceux-ci sont en réalité des aménageurs qui utilisent des véhicules fabriqués par Ford (Transit), Stellantis (Promaster) ou Mercedes-Benz (Sprinter). Or, toutes ces fourgonnettes ont déjà réussi l’ensemble des tests requis pour être autorisé à rouler sur les chemins publics.

En fait, le travail de l’aménageur se résume à l’installation d’appareils et accessoires, de systèmes de chauffage, d’aération de cuisson ou de plomberie, d’armoires, de bancs et d’un lit… autant d’éléments essentiels pour y vivre dans un certain confort et voyager. À proprement parler, nos « fabricants » ne construisent pas de véhicules et ce qu’ils ajoutent dans les coquilles se fait dans le cadre et le respect des normes établies par les géants de l’automobile concernant la capacité de charge, la portance des essieux et des pneus ou la capacité de remorquage.

Mme Pommet s’est donc présentée à nouveau au point de services de la SAAQ, s’est entretenue avec un ingénieur à qui elle a expliqué son erreur dans le choix des mots employés. Conséquemment, ce dernier a pu régulariser sa situation à sa grande satisfaction. Aujourd’hui, malgré un long délai, Denise roule sur les chemins d’Amérique en toute quiétude et légalité.

    

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