Le bout de notre monde
12 avril 2023
« L’Abitibi????? » Me répond un ami de Québec lorsque je lui annonce que nous allons nous promener en Abitibi-Témiscamingue. Je lui aurais parlé de la Terre de Baffin et la réaction aurait été moindre. Au moins, c’est exotique. Old Orchard? Ça c’est rassurant! La Gaspésie? Là, au moins, on revient sur la planète. Mais l’Abitibi-Témiscamingue!!! « Qu’ossé ça? »
Il serait donc fort à propos de commencer cette série sur l’Abitibi-Témiscamingue par quelques notions historiques et géographiques sommaires qui nous éviteraient, comme le font nombre de citadins, de situer cette grande région au bord de la baie des Chaleurs. Tout le comme le Saguenay – Lac-Saint-Jean, l’Abitibi-Témiscamingue est composée de deux régions passablement différentes qui ne forment qu’une seule et unique entité territoriale de 116 000 kilomètres carrés. Officiellement, il y a un peu plus d’un siècle que la région a été rattachée au Québec puisqu’elle faisait autrefois partie des Territoires-du-Nord-Ouest. Depuis, l’histoire, les séries télévisées (Blanche et compagnie), les écrits de Bernard Clavel et les chansons de Richard Desjardins ou de Raoul Duguay nous ont appris que cette région a été développée à force de courage et de lutte par des gens qui, très souvent, n’avaient pas vraiment choisi leur destin. Des chômeurs de la grande ville à qui on promettait le bonheur en leur donnant une terre dans les nouveaux cantons, bien au-delà des Pays-d’en-Haut, plutôt que de les perdre aux « États ».
L’arrivée du train
Le long d’une voie ferrée qui se construisait, on a dispersé ces colons aux mains blanches sur des terres qui, plus souvent qu’autrement, leur réservaient une mauvaise surprise. Héritiers d’une crise économique tragique qui s’est étirée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, plusieurs sont retournés à leur malheur, amer et découragé. D’autres sont restés pour affronter une vie sur laquelle les difficultés s’accumulaient par-dessus la misère et devenir les nouveaux héros de l’enfantement douloureux d’un autre pays dans le pays. Ils ont donné au Québec une nouvelle frontière autour du 48e parallèle Nord. Une région qui couvre une immense superficie, du nord des Laurentides au grand lac Témiscamingue (la source de la rivière des Outaouais qui est le principal affluent du fleuve Saint-Laurent), en s’appuyant sur l’Ontario, en effleurant le territoire de l’Outaouais, de la Baie-James et de la Haute-Mauricie. Peu à peu, l’Abitibi-Témiscamingue s’est forgé un destin singulier. Le Témiscamingue autour de l’agriculture et de l’élevage puisque ces vastes plaines jouissent d’un climat exceptionnellement propice. Effectivement, à cause de l’influence du lac, on y observe une moyenne maximale de température de 25 degrés en juillet. On y cultive même la vigne et on a déjà produit une cuvée locale.
Le Klondike du Québec
L’Abitibi, pour sa part, s’est développée autour de l’exploitation minière. Le long de la faille Cadillac, qui part du Nord-Ontario et s’étend au-delà de Chibougamau, Edmund Horne et une légion de prospecteurs-aventuriers ont découvert de l’or, du cuivre et d’autres métaux. Les villes ont poussé et une prospérité nouvelle est apparue. Val-d’Or, Rouyn-Noranda, Amos, La Sarre et une foule de villages portant les noms des officiers du régiment de Montcalm sont apparus autour des chevalements qui caractérisent le panorama abitibien. Dans ce « pays qui a un ventre en or », la forêt est également devenue une ressource capitale et elle continue de jouer un rôle déterminant. Quant aux Amérindiens, ils sont également très présents et actifs sur ce territoire qui a longtemps constitué la porte tournante de la Route des fourrures, à la limite des zones d’influence britanniques et françaises. Sur cette terre de prédilection des coureurs des bois, qui y voyageaient vers la Baie-James et la Baie-d’Hudson, les Cris et les Algonquins occupaient l’espace depuis longtemps et se sont aujourd’hui principalement installés dans les villages de Lac-Simon et Pikogan pour les Algonquins, alors que plusieurs pratiquent encore les activités traditionnelles en forêt ou se sont sédentarisés en ville. Au total, l’Abitibi-Témiscamingue compte maintenant 155 000 habitants, dont 18 000 seulement au Témiscamingue
Tourisme
Quant au tourisme, il n’y a pas un vrai pêcheur au Québec qui ne connaisse pas un des 100 000 lacs de la région. Le tourisme d’hiver à motoneige y connait une croissance phénoménale depuis les passages du Raid Harricana. Toutefois, le tourisme comme on l’entend généralement n’en est qu’à ses premiers pas, bien que les adeptes de camping commencent à s’intéresser sérieusement à cette région qui possède de nombreux campings extrêmement intéressants.
L’Abitibi-Témiscamingue nous offre suffisamment de matière pour qu’il soit maintenant permis d’envisager cette région en tant que destination touristique complète. Fascinante sous bien des aspects, elle peut amplement accueillir, héberger, occuper et divertir la famille, les sportifs, les aventuriers, les campeurs de toute nature et les clientèles de groupe. Justement, elle est d’autant plus intéressante que très peu de voyageurs ont eu le privilège de l’explorer. L’Abitibi-Témiscamingue doit cependant surmonter de puissants préjugés à son égard, dû à notre ignorance, à nos préjugés et, parfois même, à notre mépris. Voilà donc la belle occasion pour, dans les semaines qui viennent, partir à la découverte d’une région plus que prometteuse. En terminant, abattons tout de suite un préjugé. J’ai quelquefois passé du temps en Abitibi-Témiscamingue et je n’ai presque pas vu de « bibittes ». En tout les cas, moins que sur mon patio chicoutimien. Je le jure!