Je nottte !
10 août 2025
L’an dernier, au moment d’assurer la voiture électrique que je venais de me procurer, je me suis enquis auprès de plusieurs assureurs des protections offertes, mais surtout du prix qui me serait facturé. Une compagnie proposant une tarification modulée en fonction de ma façon de conduire attira mon attention en me faisant miroiter une réduction de prime pouvant atteindre 25 %. Bien sûr, ayant depuis longtemps dépassé l’âge des fanfaronnades, des imprudences et de la conduite sportive, j’ai immédiatement été attiré par la proposition.
De plus, le kilométrage que j’avais prévu d’ajouter à l’odomètre était principalement affecté au remorquage d’une caravane. Fervent de l’usage du contrôleur de vitesse, il me fut facile de succomber au chant des sirènes, comme l’avaient fait les compagnons d’Ulysse, il y a longtemps.
L’assureur annonçait se baser sur une savante analyse des premiers mois de ma conduite pour, par la suite, périodiquement ajuster sa grille tarifaire à ma performance. Plutôt que d’amener en voyage une passagère qui à chaque arrêt, feu de circulation ou panneau indiquant la vitesse permise, me dirait « Je notttte ! », comme dans la publicité d’une autre compagnie d’assurances, tout se ferait sans bruit de façon informatique.
Une application gratuite, à télécharger sur mon téléphone, à activer et à paramétrer en fonction de mon profil personnel et de celui de ma voiture, me libérait de la passagère au peu de mots. Cela me convenait parfaitement, me laissant l’impression que ce plan avait été conçu sur mesure, pour moi. Mais voilà, les résultats obtenus furent loin de mes attentes. À un point tel que je contactai mon assureur pour lui souligner que l’application me semblait peu douée en calcul et mieux en apprendre sur leur façon d’analyser mon comportement routier.
J’avais beau conduire en pépère, régulateur de vitesse intelligent enclenché, respecter à la vitesse maximale autorisée, et conduire à une seule pédale — l’accélérateur —, utiliser la moindre décélération pour retourner l’énergie cinétique excédentaire dans la batterie et réserver la pédale de freinage aux seules urgences, rien n’y faisait.
Après plusieurs appels, un employé éveillé et compréhensif reconnut que j’avais sans doute vu juste et que l’application n’était probablement pas à son meilleur lorsqu’utilisée pour une voiture électrique. Voici quelques détails qui soutiennent ce jugement.
Je l’ai précisé ci-haut, je suis un adepte de l’utilisation du régulateur de vitesse. Or, la mise en fonction d’un tel accessoire enclenche aussi plusieurs aides à la conduite, toutes plus sophistiquées les unes que les autres. Dans mon cas précis, ma voiture, est une BMW iX50, un VUS capable de remorquer mon Alto A-2024 sur de longues distances. Qu’il s’agisse d’opérer un changement de voie ou demeurer dans celle où je roule, de garder une distance constante derrière la voiture qui me précède en ajustant la vitesse en conséquence, ou encore de freiner ou accélérer pour dépasser ou de s’engager dans une bretelle d’accès sur l’autoroute, toutes ces fonctions ont été conçues pour maximiser la sécurité sur la route.
Comment expliquer alors que, même en respectant la vitesse permise, en maintenant un espace raisonnable dans la circulation, ne touchant presque jamais à la pédale de frein, mon score de bonne conduite ne peut espérer le maximum ? J’ai finalement compris pourquoi : l’application de l’assureur est une nostalgique des véhicules à carburant fossile.
Quatre paramètres entrent dans le calcul de la performance : freinage, vitesse, distraction et accélération. Or, avec le régulateur de vitesse en marche, trois de ces critères passent sous le contrôle de l’ordinateur de bord qui prend des décisions selon les consignes prescrites par BMW. Seule la distraction repose sur mes épaules, pourtant, sur ce point, je marque 95, alors que les trois autres obtiennent dans l’ordre : 71, 73 et 12.
Une conclusion s’impose : la grille d’analyse développée par l’assureur estime que les aides à la sécurité conçues par BMW ne remplissent pas leur fonction. Ce qui conduit à la question que voici : comment les organismes gouvernementaux qui évaluent les véhicules automobiles avant d’en autoriser l’usage sur la route ont-ils pu homologuer mon véhicule ? D’évidence, cela mène à une impasse. Il faut donc revenir à l’appli pour trouver une explication pouvant tenir la route.
Malgré des ventes de VÉ en croissance, le cheptel automobile est encore très largement dominé par les véhicules à carburant fossile. Conséquemment, l’appli développée par mon assureur, qui ne fait que refléter la réalité du marché dans la calibration de chacun des quatre paramètres, n’a pas la finesse requise pour composer avec les voitures électriques.
Contrairement aux autos traditionnelles, le couple moteur d’un VÉ est instantané. Cette puissance maximale est donc immédiatement transmise aux quatre roues à traction intégrale, mais aussi directionnelles et bénéficiant de multiples capteurs pour détecter et contrer tout risque d’aquaplanage et de dérapage, bref, la totale. Pourtant, même si le régulateur continue d’accélérer rapidement jusqu’au maximum que j’ai autorisé — habituellement la limite légale de la route — les autres capteurs surveillent les voitures qui suivent, me précèdent ou me doublent pour garantir ma sécurité. Seule l’appli ne pigeant pas ce qui se passe s’entête à me trouver irresponsable.
Même chose pour le freinage qui est pratiquement toujours contrôlé par la voiture. Ce n’est pas moi qui devrais porter l’opprobre du coup de frein initié par l’auto qui détecte une voiture qui coupe brusquement mon chemin, mais c’est moi que l’on pénalise.
Quant à la vitesse, il peut m’arriver dans une très faible proportion de rouler 10 % plus vite que celle affichée sur les panneaux. Bon, je plaide coupable lorsque je voyage en mode solo. Par contre, lorsque je remorque, je me tiens entre 95 et 100 km/h sur l’autoroute sans être récompensé, même si le remorquage représente plus de 90 % de ma distance totale parcourue.
Si je conduisais une voiture à pétrole comme la majorité, je crois que ma cote globale serait plus élevée. Conclusion deux solutions me viennent à l’esprit : reconnaître qu’il s’agit d’un des rares inconvénients liés au fait de conduire un véhicule avant-gardiste ou... changer d’assureur.
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