Inde : rafting sur la Subansiri
28 février 2023
Inde: Rafting sur la Subansiri
Depuis trois jours déjà, nous n’avons vu passer aucun village ni aucune de ces superbes maisons sur pilotis faites de feuilles de palmier artistiquement tressées. Nulle part nous ne croisons âme qui vive, sauf dans ces canots de pêcheurs qui ont remonté le courant à la perche jusqu’au campement, nous offrir de gigantesques poissons pris dans leurs filets durant la nuit. La rivière Subansiri est un des principaux affluents du grand fleuve Brahmapoutre avec ses 445 km de longueur et son volume d’eau exceptionnel. Elle prend sa source sur le toit du monde, coulant des glaciers de l’Himalaya tibétain puis dévalant les vallées monumentales du Bhoutan avant d’atteindre l’état indien de l’Assam. L’ancien royaume de l’Assam apparait, sur la carte, comme une excroissance à l’extrême nord-est du territoire indien, avec sa langue, sa culture, ses coutumes de chasseurs et de mangeurs de viande de même ses caractéristiques raciales beaucoup plus proches de la Chine voisine que de l’Inde. Toutes ces singularités en font une destination unique en Inde, unique au monde, pour la pratique du rafting dans un environnement terriblement dépaysant et fascinant.
Vers la rivière
La descente de la Subansiri en pneumatique est au cœur d’une expédition de dix jours mise sur pied par le numéro un du rafting en Inde : Aquaterra Adventures, qui y a initié cette activité en 2006. L’aventure débute dans la capitale de l’Assam, à Debrugarh. Il faut deux jours de piste en jeep jusqu’à notre point de départ. Huit heures par jour à se faire brasser la carcasse et à admirer des panoramas extraordinaires.
Mise à l’eau
En bout de route, voilà le premier campement qui apparait sur la rive faisant face à un bon escarpement. Nous y demeurons deux nuits étant donné que nous remontons en amont le lendemain matin par la route.
Dès le départ, nous affrontons des rapides plus que respectables et je ne tarde pas à recevoir en pleine figure mon premier mur d’eau. Naturellement, à ce moment et aux autres, j’avais la bouche grande ouverte, à crier comme un malade, et j’ai avalé quelques tasses d’une eau glaciale chargée de sable. Le wet suit s’avère utile ! Mes craintes initiales, n’ayant jamais vécu d’expériences semblables sauf quelques demi-journées en rivière, s’estompent rapidement devant la maitrise du chef d’expédition, Jeetu, qui contrôle et dirige l’embarcation de main de maître, avec deux longues rames dont il joue en virtuose.
Nous avons au total 122 km à parcourir avec une dénivellation de 800 mètres. À la mi-décembre, le climat hivernal et sec sévit. Ce qui fait que le débit de la Subansiri n’est pas à son apogée alors qu’il peut culminer à plus de 18 000 mètres cubes/seconde à l’automne. Quand même, la majorité des sections agitées auxquelles nous nous mesurons sont de classe 3 à 4+. Bonne raison de faire les yeux ronds quand on y plonge et que le guide hurle : « Paddle ! Paddle ! Fast paddle ! » Il faut alors donner son 110 % en pagayant avec acharnement sans s’arrêter, même si parfois on passe dans le vide quand le raft se dresse dans les airs.
Tous les couloirs tumultueux forment un enchainement de lames et de creux qui peuvent atteindre 5 mètres de profondeur. Quelques dénivelés se cachent au fil d’un engorgement, entre deux rochers où le courant accélère. Un seul nous fait chuter durement au bas d’une cascade, comme on en trouve sur la rivière des Outaouais. Nous y avons droit dès le premier jour et en sortons tous indemnes. L’excitation est à son comble !
Au campement
La sérénité revient dès l’arrivée au campement. Toujours installées sur un promontoire de sable blond, les perspectives les plus bucoliques sont réservées aux clients qui y montent leurs tentes alors que la cuisine est déjà fonctionnelle et que le thé chai sucré est servi.
On s’organise pour sortir de la rivière au milieu de l’après-midi. Étant au fond d’une gorge encadrée par des sommets érodés, qui doivent faire de 400 à 600 mètres de hauteur, nous perdons le soleil avant 15:00. Le mercure glisse alors rapidement sous les 20ͦ C et il stoppe sa chute à peine au-dessus de 10ͦ C la nuit. Dès 16:30 il fait nuit et le feu de camp crépite. Tout le monde se retrouve donc autour des flammes pour épiloguer sur la journée en savourant l’apéro et les excellents amuse-gueules que le chef a cuisinés sur place.
À 18 h, le buffet est servi et on se régale ferme avec une étonnante diversité de spécialités indiennes, végées et carnivores, toutes plus délicieuses et relevées les unes que les autres. Le souper achevé, le fun commence pour la dizaine de membres de l’équipe de guides et les clients indiens. On joue à mimer des titres de films de Bollywood et il semble bien que leur nombre soit infini. Il est rare que l’on se rende à 20 h avant de rejoindre nos tentes pour un sommeil qui s’étire jusqu’à 7 h le lendemain. Un vrai marathon de sommeil.
Normalement, les tentes abritent deux personnes et sont montées et démontées par les clients. Il y a une tente pour la douche à l’eau froide et les repas se prennent à l’extérieur.
Au lever, c’est une pure merveille que de voir le soleil éclairer et réchauffer le campement et les embarcations sur la rive. Les effluves de café et de chai flottent dans l’air alors que les nuages s’obstinent à enlacer les sommets arrondis jusqu’à ce que l’astre les chasse.
Sur la rivière
Les deux jours suivants sont riches en sensations puissantes alors que les torrents et les passes mouvementées se succèdent avec régularité, mais la présence humaine reste visible. Nous avons toujours le temps de récupérer et de sombrer en état de méditation admirative sur l’onde lisse qui glisse rapidement. Plus encore durant les 4 derniers jours alors que nous pénétrons dans la jungle sauvage, inhabitée, inatteignable. Sans route. Sans voie de sortie ou d’entrée. Le mot « autonomie » prend tout son sens dans ce sanctuaire naturel perdu dans sa solitude.
Le paysage grandiose des rives rocailleuses abruptes et de la forêt géante et lourde nous submerge jusqu’à ce que le bruissement grandissant du prochain saut nous rappelle à l’ordre. Les premières rides en surface nous lancent dans un crescendo de montagnes russes. Jeetu repère au premier coup d’œil les remous les plus spectaculaires et nous y dirige sciemment, l’air de rien, pour que chaque passager reçoive son lot de déferlement. Sitôt projetés sur le plancher, on rebondit pour reprendre position et répondre aux commandements jusqu’à ce que la prochaine bordée nous laisse éberlués devant sa soudaineté. Heureusement, les deux kayakistes n’auront personne à secourir cette fois et peuvent faire des acrobaties à leur guise.
Au pied du rapide, j’admire la technique assurée de Khan qui descend seul dans la tourmente, l’air détaché, sur son pneumatique chargé de presque tout le campement. Même les poulets logés dans une caisse ne semblent pas s’en faire. S’ils savaient qu’ils sont au menu du soir…
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Le forfait « The Subansiri River Rafting Expedition » n’est malheureusement plus offert puisqu’un nouveau barrage est récemment entré en opération, faisant monter le niveau de la rivière et effaçant tous ses rapides. Le pourvoyeur a cependant plusieurs autres expériences tout aussi extraordinaires à proposer, dans un contexte sécuritaire optimal et avec un professionnalisme qui le classe parmi les meilleurs au monde.
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Informations : Aquaterra Adventures : aquaterra.in / 91-11-29212641