Histoire et espoir
22 septembre 2024
L’industrie du véhicule récréatif est indubitablement un segment de l’économie dont la courbe de vie connait des fluctuations qui donneraient le tournis aux cœurs les plus solides. Ainsi, un événement annuel en particulier, organisé par la toute-puissante RVIA (Recreational Véhicule Industrie Association) servait devenait un stéthoscope d’une grande précision pour prendre le pouls et évaluer la santé de l’industrie.
Tout le gratin gravitant dans le monde du véhicule récréatif s’y donnait rendez-vous. Fabricants, concessionnaires, journalistes, chacun se faisait un devoir d’y être présent. Au début des années 2000, l’opulence de l’événement était on ne peut plus visible.
Les fabricants de VR rivalisaient en dépenses, en clinquant et en luxe pour attirer l’attention. Des buffets gratuits et copieux étaient servis dans les espaces corporatifs loués par les marques prestigieuses. C’était à qui n’exposerait pas le plus de modèles différents, souvent par dizaines.
Pourtant, ce salon n’était pas ouvert au grand public désireux de reluquer les modèles de l’année et d’en acheter un, loin de là ! Les seuls visiteurs autorisés à fouler les kilomètres de tapis déroulés dans les allées portaient souvent une chemise, un polo ou un veston avec une épinglette ou une bordure aux couleurs du commerce qu’ils représentaient.
Quant aux membres des médias, on les reconnaissait facilement grâce à leur ruban-collier auquel un carton orné d’un bandeau violet.
Cela se passait bien avant les « Fake News », du temps où les journalistes étaient respectés et crédibles plutôt que percûs comme des marionnettes d’un grand complot ourdi par les politiciens, bien avant la naissance de la méfiance et la paranoïa qui, aujourd’hui, marquent au fer rouge les gens de la presse.
La quasi-totalité des revendeurs d’Amérique du Nord fréquentaient cet événement pour choisir les véhicules qu’ils mettraient en vente au printemps. Pendant quatre jours, Louisville devenait la Mecque du VR, un salon d’affaires ou se brassaient des millions. Les revendeurs du continent y faisaient leur pèlerinage annuel et nos commerçants aussi répondaient présents. Selon l’importance de leur entreprise, les revendeurs de chez nous débarquaient sur place en groupe, variant de trois jusqu’à une dizaine de personnes. Tant pour les fabricants que les concessionnaires, l’horizon était au beau fixe.
Une tempête inattendue prit tout le monde par surprise. Fin 2007 ce que l’on a nommé le scandale des « White Papers » plongea l’Amérique dans une récession aussi subite que catastrophique. De nombreuses banques furent mises en faillite. Comme toujours en temps de récession, le réflexe premier des consommateurs pour assurer leur survie est de couper dans les dépenses non essentielles. Du jour au lendemain, une onde de choc frappa de plein fouet l’industrie du véhicule récréatif. Des ventes en chute libre contraignirent de nombreux fabricants et commerces à fermer boutique.
Pendant deux ans, le monde du VR frôla l’agonie. Preuve que les choses allaient très mal, en 2009, à l’ouverture de l’événemement de Louisville, les pontes de l’industrie se présentèrent sur la scène, déguisés en clochards, sales et habillés des guenilles, tentant de se réchauffer autour d’un baril où brulaient des rebuts. Cette référence aux images de la grande récession de 1929 démontrait un aveu patent que les choses ne pouvaient aller plus mal.
Non seulement cette mise en scène témoignait-elle, par son réalisme exagéré et presque caricatural, d’une prise de conscience de la situation périlleuse que vivait l’industrie, mais d’une certaine façon, elle cherchait aussi à conjurer le mauvais sort en misant sur l’importance de se serrer les coudes pour sortir de l’impasse et entreprendre la reconstruction de l’industrie.
La côte fut longue à remonter et mit des années avant un retour à la normale. La RVIA entama une réflexion pour remettre l’industrie à flot. Quelques années plus tard, le salon annuel de Louisville disparut du paysage pour être remplacé par un salon itinérant, une forme de décentralisation dictée par l’espoir de susciter une plus grande visibilité. Mal leur en prit !
On le sait, les principaux fabricants de VR sont pour la plupart situés en Indiana. Or, c’est souvent le cas en cas danger, le chacun pour soi l’emporte sur le mieux être collectif. Désireux de tirer leur épingle du jeu, ces derniers mirent sur pied leur propre événement annuel auquel ils invitèrent avec insistance leurs concessionnaires. Cette initiative représentait un croc-en-jambe majeur fait à leur association corporative, la RVIA. En période de récession manifeste, l’événement, tenu en septembre, permettait de réelles économies. Moins de dépenses sur la location d’onéreux mètres carrés au salon de Louisville ou ailleurs, baisse des frais liés au transport des VR et aux heures travaillées par employés devant mener ces véhicules au salon et s’occuper de la décoration du stand d’exposition.
Autre avantage à ne pas négliger et fort apprécier des concessionnaires, celui-là, la capacité de montrer l’ensemble des nouveaux modèles déclinés dans toutes les couleurs et autres variantes. Fini la difficulté de choisir quels modèles allaient se retrouver au salon organisé par la RVIA, désormais le catalogue tout entier était ouvert et palpable sur des terrains appartenant à chacun des fabricants.
Dès l’implantation du concept « portes ouvertes », les impacts négatifs se firent sentir. Le grand salon national de l’industrie prit du plomb dans l’aile et plongea vers le sol. Avec les années, certaines modifications furent apportées à la formule et la notoriété de l’événement de l’Indiana pris du galon. Aujourd’hui, le salon de la RVIA n’est plus qu’un lointain souvenir. Quel dommage !
Les fluctuations de l’industrie du véhicule récréatif n’ont pas cessé pour autant. Après avoir fracassé tous les records, tant au plan des unités fabriquées que des unités vendues, au moment de la Covid et des mesures de confinements, un autre retour du pendule s’est produit peu après, semant à nouveau le désarroi chez les fabricants comme chez les revendeurs. Les consommateurs qui s’étaient jetés sur les VR pour voyager dans une bulle sanitaire sécuritaire recommençaient à lorgner vers de nouveaux moyens pour satisfaire leur gout du voyage. Et un revers de plus pour les VR !
Encore une fois, le temps faisant son œuvre, le calme revint peu à peu et l’espoir recommence à se pointer. Un des premiers indices du retour d’un certain équilibre a pu être observé, il y a quelques jours au Salon annuel des véhicules récréatifs de Hershey, PA, le plus grand événement du genre en Amérique du Nord. Une hausse des entrées, encore timide certes, mais manifeste, des ventes croissantes, autant de signes que la cuisine commence à se réchauffer.
Un groupe des concessionnaires proposant des autocaravanes imposantes de la marque Entegra a même affirmé avoir vendu une centaine de leurs mastodontes. Sans être aussi précis sur leur volume d’affaires durant les cinq jours de l’exposition de Hershey, de nombreux autres concessionnaires importants ont regagné leurs quartiers avec le sourire et des goussets bedonnants.
Sous peu, un autre écho nous viendra de Québec où l’ACVRQ tiendra son salon annuel dans cette ville, un salon qui, du printemps a basculé à l’automne. Prélude au salon de Montréal qui lui arrivera au printemps 2025, celui de Québec nous donnera un indice de plus sur la santé du monde du VR chez nous. Il me tarde d’en avoir des échos. Et vous, avez-vous l’intention de vous y rendre, maintenant que la saison de camping sera terminée ?
Commentaires
Yves
Bonjour, nous y serons au salon de Québec, je vous tient au courant.
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