Et l’Acadie dans tout ça !

22 août 2024

Ce n’est pas un pays, ni une province, ni un territoire au sens de la géographie canadienne. Si on en fait un large survol, disons de l’Acadie que c’est un espace culturel situé principalement dans les provinces maritimes. On retrouve des Acadiens surtout dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, à l’est de la Nouvelle-Écosse, au centre de l’Île-du-Prince-Édouard ainsi que dans plusieurs villages éparpillés sur les côtes atlantiques, à Terre-Neuve, aux Îles-de-la-Madeleine ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon et sur la Côte-Nord du Québec, en Minganie et sur la Basse-Côte. Les Cajuns de la Louisiane sont également d’origine acadienne. Même s’il se trouve plus d’Acadiens au Québec qu’en Acadie à cause de leur migration - les Boudreault, Leblanc, Cormier, Arseneau, Cyr, Thériault, Lagacé et bien d’autres - Québécois et Acadiens n’ont pas partagé la même histoire, le même territoire et la même langue. « Je parle le français acadien ! » C’est souvent la première chose que me disent les Acadiens que j’aborde en français. Un français du 17e siècle avec ses : « j’avions mangé de la râpure » et « j’étions allé à Grand-Pré ». Plus ou moins truffé de mots anglais selon la région. Plus dans le chiac de Moncton. Presque pas dans la langue pure de la Péninsule acadienne (N. B.) et moyennement en Nouvelle-Écosse. 

En terre acadienne

Il n’y a rien au monde qui me réjouit plus que d’écouter le discours d’un Acadien passionné et résistant qui me parle de sa lutte pour la survie et la transmission de sa culture. Même si sa cause est désespérée, tout comme la nôtre, cela me rend fier de son courage et de sa persévérance en même temps que honteux de notre abdication. Assis à la table du Village acadien historique de la Nouvelle-Écosse de Pubnico, Roger d’Entremont, descendant direct des seuls Acadiens de la dispersion de 1755 qui sont revenus sur leurs terres d’antan, me parle avec chaleur de son combat. Derrière le comptoir, Charmaine d’Entremont-Amirault et Alison Surette-Belliveau étaient gênées de me parler français en présence d’anglophones, mais elles ne tarissent plus quand je me retrouve seul avec elles à discuter des particularités locales de la langue acadienne et de leur fierté intarissable d’être toujours là bien que leurs petits univers culturels soient submergés par la culture anglophone. Elles me font gouter la râpure, un pâté de patates, bouillon et poulet gratiné. Leur tarte à la rhubarbe est extra. Tout comme leur sandwich au homard. 

Image Camping Caravaning Charmaine d'Entremont-Amirault et Alison Surette-Béliveau

La journée se termine alors que le soleil se penche sur la superbe petite auberge Ye Old Argyler Lodge, après une belle sortie en kayak dans Lobster Bay et que Amélia Ouellet nous ait enseigné les secrets de ses herbes salées qu’elle vend au marché public de Yarmouth tous les samedis. 

Des huites uniques et acadiennes

Qu’est-ce qui donne donc ce gout divin et raffiné, ce relent de mer et de fraicheur, aux huitres que Nolan D’Eon et son fils cultivent dans le lac Eel ? C’est, à coup sûr, la singularité de leur méthode de production, mais il y a aussi un petit sel d’amour et de passion qui s’y ajoute.

Image Camping Caravaning Amélia Ouellet prépare des herbes salées.

Hypothéqué physiquement par la pêche au homard, Nolan D’Eon, un fier descendant du pionnier acadien Philippe Muis d’Entremont, a cherché une nouvelle alternative pour survivre et s’est lancé dans l’élevage des huitres en 1996. Ça n’a pas fonctionné tout de suite, mais il a exploré une technique révolutionnaire qui lui vaut aujourd’hui le succès. D’abord, ses 3 millions d’huitres grandissent dans un lac salé, le lac Eel de Sainte-Anne-du-Ruisseau, dans lequel la mer reflue à chaque marée haute. Ensuite, elles ne sont pas cultivées en profondeur, mais en surface, dans des paniers relativement petits qui s’agrippent à de lourds caissons surmontés d’un flotteur. Cela demande des attentions constantes afin qu’elles ne soient pas littéralement envahies par les parasites, les prédateurs ou les moules qui s’y agrippent. Pour ce faire, les D’Eon retournent leurs paniers à l’air libre toutes les deux semaines pour se débarrasser des indésirables. Ils suivent l’évolution de leurs protégés au jour le jour après les avoir recueillis dans le lac à l’état de larve, avoir amorcé leur croissance dans ce que Nolan appelle des « chapeaux chinois », sorte d’assiettes de plastique imprégnées de ciment sur lesquelles que jeunes mollusques s’agrippent.

Image Camping Caravaning Nolan D'Eon a développé une technique originale en panier.
Image Camping Caravaning Trois millions d'huîtres produites dans le lac Ael, Sainte-Anne-du-Ruisseau.

Quand arrive le temps de la cueillette, on les place dans un bassin d’eau oxygénée ou elles dégorgent tout le méchant en elles puis on les emballe pour envoyer les huitres de la variété « Ruisseau » sur les marchés de Toronto, Ottawa-Gatineau, Montréal et autres. La demande surpasse la production.

Madame D’Eon nous attend au retour de l’excursion en bateau qui est offerte aux touristes. Elle nous a cuisiné 4 préparations différentes : nature avec citron et glace au concombre pour les froides, persil avec fromage et ail avec parmesan pour les chaudes. On s’est régalé pas à peu près en lançant nos coquilles dans le lac à bout de bras puisque c’est bon pour le pH de l’eau.

Nolan D’Eon n’avait pas encore parlé français avant que je l’aborde en marge du groupe et qu’il me parle de sa famille. De sa femme d’origine britannique, de son fils qui prend la relève, de l’autre qui s’occupe de la gestion et de sa fille qui enseigne le français aux Anglais. Une belle réussite pour des gens qui furent autrefois condamnés à la misère, mais qui s’en sont sortis à force de bras et de débrouillardise.

Si vous passez à Sainte-Anne-du-Ruisseau, près de Yarmouth, allez faire l’excursion et une petite dégustation au Eel Lake Oyster Farm (ruisseauoyster.com).

Presque 100% homard...

La saison de la pêche au homard vient de se terminer sur les côtes de la région acadienne de la Nouvelle-Écosse et les bateaux restent ancrés comme dans le port de Sandford, devant le plus petit pont levis au monde…

Le homard n’en est pas moins présent sur toutes les tables, à l’exception de quelques petites variantes. C’est ainsi qu’à la superbe auberge Ye Old Argyler, à West Pubnico, on le savoure en ravioli pour l’entrée et à la crème en plat principal. À cela s’ajoute l’omelette au crabe au petit déjeuner. Que de purs délices.

Plus tard, à Yarmouth, l’auberge MacKinnon Cann Inn ajoute une coche à la sophistication avec son extraordinaire pavé de flétan en croute de pistache baignant dans une sauce qui déborde de homard. Sublime !

Image Camping Caravaning Village acadien historique à Pubnico

Au Rudder’s Seafood restaurant and Brew Pub, le lendemain, le chowder regorge de beaux morceaux de homard et de pétoncles, tout comme l’incontournable poutine au homard devant laquelle on ne peut que s’incliner.

Mais, il va de soi que le homard dans sa nature la plus simple demeure insurpassable. Toutefois, le passage à Yarmouth permet de découvrir la compagnie IMO Foods qui met en conserve des millions de boites de hareng qu’on retrouve dans nos épiceries et partout dans le monde. Des visites sont offertes au public.

Pour mieux préparer votre voyage, je vous recommande le guide de voyage Explorez Halifax et la Nouvelle-Écosse, aux éditions Ulysse, version papier ou numérique.

Image Camping Caravaning C'est le temps de la dégustation.
Image Camping Caravaning Une bonne poutine râpée traditionnelle

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