Déremisage vraiment difficile

9 avril 2023

Mon billet de dimanche dernier a beaucoup fait réagir. Toutefois, plusieurs des témoignages reçus m’ont démontré que certains des renseignements que m’avait transmis la SAAQ pouvaient être remis en doute ou, à tout le moins, nécessiter qu’on leur apporte certaines nuances. Dans l’appareil administratif gouvernemental comme dans la vie d’ailleurs, il est presque impossible qu’une chose puisse se définir dans une palette se résumant au noir et au blanc. Chaque fois, tout le spectre des couleurs se pointe pour apporter des nuances et complexifier ce qui se comprendrait tellement mieux en étant tout simple.

Un premier commentaire me fit comprendre que la formule imaginée par la SAAQ, celle permettant à deux personnes dont le nom figure sur le certificat d’immatriculation, d’acheminer un courriel à l’adresse que l’on m’avait mentionnée, pour obtenir de façon prioritaire un rendez-vous afin de retrouver l’accès au véhicule à doubles propriétaires et ainsi pouvoir le déremiser, ne s’adressait qu’aux caravaniers actuellement à l’extérieur du pays, désireux de retrouver l’usage légal de celui-ci afin de rentrer à la maison.

Pourtant, la demande que j’avais initialement formulée concernait spécifiquement cette clientèle. Rappelez-vous l’exemple cité qui mentionnait un caravanier devant obligatoirement récupérer son VR de l’endroit où il l’avait entreprise pour le ramener chez lui au plus tard le 1er mai. Malheureusement pour lui, son nom et celui de sa conjointe figurant sur le certificat d’immatriculation, la récente mise à jour du site web de la SAAQ, ne pouvait plus retracer son VR dans les fichiers de la société d’État ni n’importe quel véhicule à doubles propriétaires d’ailleurs. Celui-ci se retrouvait donc dans les limbes du cyberespace.

Pourtant, un des fidèles lecteurs de ce blogue, avocat de surcroît et lui aussi empêtré dans les ténèbres de la copropriété, m’informa s’être présenté sans rendez-vous, dans un bureau de la SAAQ à Lévis pour tenter de régulariser sa situation. Sa compagne étant demeurée au domicile, il avait pris soin d’emporter avec lui son permis de conduire, le certificat actuel d’immatriculation de son Safari Condo, le contrat d’achat du VR ainsi qu’une procuration dûment signée par sa conjointe. En bon avocat, il avait préparé son dossier pour parer à toutes les objections possibles.

Après plusieurs minutes d’attente, une préposée le reçoit au comptoir. Manquant d’expérience dans les problématiques complexes, elle requiert l’assistance d’une collègue. En moins de deux, cette dernière rectifie le certificat d’immatriculation sans même exiger la présence de sa femme. Mieux, elle consigne au verso du certificat que sa conjointe est copropriétaire ou propriétaire secondaire du VR, je ne me rappelle plus trop de la formulation exacte. Dorénavant, le propriétaire principal, celui dont le nom apparaît au recto de la carte verte, pourra effectuer en ligne le renouvellement du certificat d’immatriculation, le remisage, le déremisage ou même la mise au rancart de son VR.

À l’opposé de ce succès, d’autres caravaniers m’ont rapporté ne pas avoir réussi un exploit similaire, avoir rebroussé chemin et devoir patienter jusqu’à la date fixée pour leur rendez-vous. Peut-être auraient-ils eu plus de succès en revêtant une longe toge noire. Les effets de toges font souvent de l’effet.

Pendant ce temps, M. Blanchette, celui qui, le premier, avait soulevé ce lièvre, n’a pu obtenir un rendez-vous plus hâtif que celui du 16 mai. Il en a pris son parti et choisi de prendre la route quand même, malgré l’illégalité administrative de sa situation. Espérons que, s’il se fait interpeller, il transigera avec un patrouilleur compréhensif.

En terminant, je vous livre une réflexion toute personnelle, pouvant expliquer la raison pour laquelle la SAAQ a choisi d’enlever le nom d’un des deux propriétaires d’un véhicule détenu conjointement. Dans les faits, si l’acte d’achat indique que le véhicule appartient à deux personnes, la double propriété s’en trouve donc légalement confirmée, peu importe ce que mentionne le certificat d’immatriculation. À la limite, un VR qui ne serait pas immatriculé pourrait malgré tout être possédé par deux personnes.

Pourquoi, alors, la SAAQ a-t-elle choisi de biffer un des deux noms ? Je suis persuadé que la réponse prend racine dans la préoccupation viscérale de nos institutions gouvernementales d’assurer la protection des données personnelles de chaque citoyen. 

Depuis des années, notre nom se trouve inscrit dans de très nombreuses officines gouvernementales, ministères et sociétés d’État. Revenu Québec, SAAQ, RAMQ, ministère de l’Éducation, de la santé et j’en passe plusieurs.

Chaque fois que l’un de nous avait à transiger avec une de ces instances, il devait s’identifier, trois ou quatre fois plutôt qu’une et se rappeler chacun de ses identifiants et mots de passe pour tous les services qu’il désirait consulter.

Or, le gouvernement transige directement avec des citoyens et chaque dossier est rattaché à un individu bien précis. La magie de l’informatique rend désormais possible d’effectuer en ligne une foule de transactions. Qu’il s’agisse de régler ses impôts, d’acquitter une contravention ou de consulter son dossier médical ou scolaire, tout se fait plus aisément par l’internet. Mieux encore, en créant un portail citoyen unique donnant accès à tous les services gouvernementaux offerts à chaque citoyen, en quelques clics, ce dernier peut consulter tous les dossiers qui le concernent.

Toutes les ramifications gouvernementales doivent donc utiliser des codes communs pour créer une fluidité d’utilisation essentielle. Dans cet ordre d’idée, le fichier de la SAAQ dérogeait de cette règle et risquait de présenter une brèche à la sécurité tant recherchée. Même si le phénomène de deux noms se retrouvant liés à un seul véhicule était marginal par son petit nombre, il permettait à l’un ou l’autre des deux individus concernés d’entrer dans le portail gouvernemental.

Une personne futée et mal intentionnée pourrait en profiter pour déborder la simple immatriculation d’un VR et se promener dans plusieurs autres dossiers de son conjoint ou de sa conjointe à son insu. Même si cela ne se produisait qu’une fois ou deux, je vous laisse imaginer le boucan que cela aurait causé dans les médias. À mon avis, voir son nom transféré du recto au verso du certificat d’immatriculation est bien peu cher payé pour éviter des abus scandaleux. Heureusement, de tels comportements déviants ne concernent aucun d’entre nous.

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