Retraite, rémission de cancer, inondation, quête personnelle… Chaque année, des dizaines de caravaniers du Québec décident, pour diverses raisons, de tout quitter. Ils vendent maison, meubles et biens personnels afin de vivre dans leur VR. On appelle communément ces caravaniers à temps plein «des full timers». Pour ce tout premier numéro de l’année 2024, nous avons contacté quelques-uns de ces nomades.

«Je suis toujours en pleine lune de miel», lance d’emblée Nathalie, 50 ans, qui s’apprêtait à prendre l’avion lorsque nous l’avons jointe le lendemain du jour de l’An. Au programme: un voyage de trois mois en Guadeloupe. «Sans billet de retour», précise-t-elle. Madame, qui a tout vendu en juillet 2023, ne veut plus d’agenda. S’il lui prend l’envie de rester plus longtemps dans les Antilles, elle le fera. La providence la guidera.

Vivre sa vie de rêve

Jeune cinquantenaire ayant survécu à un infarctus et un cancer des ovaires, Nathalie a décidé de tout quitter. Byebye à son job d’ébéniste, byebye à la maison devenue trop grande et surtout, byebye à toutes les tâches d’entretien et aux frais que cela implique d’être propriétaire d’une résidence. Nathalie s’est acheté un Chevrolet Express afin d’y emménager à temps plein. Ou presque. Pendant son séjour dans les Antilles, Nathalie a remisé sa fourgonnette chez sa fille. Elle compte en reprendre le volant à son retour.

«En fait, je fais aujourd’hui ce que j’aurais dû faire il y a sept ans après mon arrêt cardiaque. Les gens attendent toujours le bon moment pour faire ce dont ils ont envie. Moi, j’ai décidé que ce moment, c’était maintenant», mentionne-t-elle.

En fait, je fais aujourd'hui ce que j'aurais dû faire il y a sept ans après mon arrêt cardiaque. - Camping Caravaning En fait, je fais aujourd'hui ce que j'aurais dû faire il y a sept ans après mon arrêt cardiaque.

Combien de temps cette nouvelle full timer compte-t-elle vivre à ce rythme? «Aussi longtemps que me le permettront ma santé et mes finances», répond la caravanière qui souhaite d’ailleurs trouver du travail dans un parc de la Sépaq lors de la prochaine saison estivale. Une source de revenu, dit-elle, qui lui permettra de poursuivre son rêve aussi longtemps que possible.

De l'armée à la vie nomade

Kaven et Sophie, deux ex-militaires dans la jeune quarantaine, campaient en banlieue de Los Angeles lors de notre entrevue. C’est au cours de l’été 2022 que le couple a vendu tous ses biens, «y compris la souffleuse qui a d’ailleurs été notre première vente», glisse au passage Kaven. Depuis, le couple a emménagé dans une caravane à sellette de 13 m (44 pi). Un format qui permet de transporter deux motos, souligne-t-il.

Le jour après avoir pris leur retraite, en octobre 2022, Kaven et Sophie passaient aux douanes afin de parcourir la côte est des États-Unis. Un terrain situé à la frontière de l’Ontario et du Manitoba leur sert de port d’attache au pays. Depuis l’automne 2023, ils sillonnent les routes du Sud-ouest américain au gré de leurs humeurs. Après avoir parcouru le Dakota du Sud, le Montana, l’Utah, le Nevada, l’Arizona et la Californie, le couple comptait visiter le Texas avant de revenir vers Ottawa pour des rendez-vous médicaux annuels en avril. Les routes du Québec s’inscrivent déjà à l’agenda de l’été 2024. Le couple planifie d’ailleurs de se marier en aout prochain dans la région de Québec.

Le couple a vendu tous ses biens, y compris la souffleuse qui a d'ailleurs été la première vente. - Camping Caravaning Le couple a vendu tous ses biens, y compris la souffleuse qui a d'ailleurs été la première vente.

Prendre plus de temps

Verdict de l’aventure jusqu’à présent? Le couple n’a aucun regret. «En 18 mois, j’ai vu et appris beaucoup plus de choses que ce que m’avait permis ma vie d’avant», soutient Sophie sans hésitation. Le couple concède néanmoins que son vécu militaire demeure ancré en chacun d’eux. Kaven et Sophie constatent qu’ils préfèrent la planification à l’improvisation. «Surtout lorsqu’on dispose d’un équipage d’une longueur de quinze mètres qui ne se stationne pas facilement. Pour cette raison, nous avons déjà réservé un emplacement en Floride l’hiver prochain où nous comptons prendre davantage notre temps. D’ailleurs, prendre le temps de savourer chaque destination visitée, c’est notre résolution de 2024», indique Kaven.

C’est à cause de la digue

Si Sylvie, 63 ans, vit aujourd’hui à temps plein dans son Dodge ProMaster, c’est en raison de la rupture de la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. Au printemps 2019, ce bris majeur a entrainé l’inondation de plusieurs centaines de propriétés. Celle de Sylvie était l’une d’elles. «J’en ai fait une dépression. Heureusement, en mai 2022, des acheteurs m’ont fait une proposition que je pouvais difficilement refuser. Pour mon plus grand bonheur et ma santé mentale, j’ai tout vendu et emménagé dans ma Westfalia», raconte la sexagénaire qui, entretemps, a troqué son véhicule de marque Volkswagen pour un modèle plus spacieux. Un long voyage en Asie pendant les mois d’hiver lui a également fait le plus grand bien, dit-elle.

Lorsque nous lui avons parlé au début de janvier, cette technicienne en informatique à la retraite était stationnée quelque part entre la Californie et l’Arizona. Son premier long périple au pays de l’oncle Sam. «C’est fou comme ça fait du bien de vivre en nature à temps plein. Je vis désormais au jour le jour», soutient la caravanière qui adore son rythme de vie minimaliste. Elle aussi souhaite trouver du travail dans un parc de la Sépaq à son retour au Québec au printemps. Un revenu qui lui permettra de repartir en direction du Sud dès l’automne prochain.

Quelques chiffres

Combien y a-t-il justement de caravaniers prêts à tout quitter pour devenir nomades? Plus que l’on croit. Selon un sondage réalisé à l’automne 2023 par Julien Roussin-Côté, fondateur de Go-Van, auprès de 1 550 répondants, au moins 7% d’entre eux ont signalé avoir adopté ce mode de vie en VR. «Et 8% des répondants ont indiqué y songer fortement», ajoute l ’auteur de l’enquête. Julien tient à préciser que plus de 96% des participants au sondage possèdent leur propre véhicule.

Soulignons que Julien Roussin-Côté a lui-même été un caravanier à temps plein pendant près de sept ans. Équipé d’une vieille camionnette GMC (toute rouillée, note-t-il), il a loué son condo à Montréal en 2015 et pris la route du Mexique. «J’avais besoin de recommencer à neuf. Ce style de vie m’a permis de me recentrer», raconte ce trentenaire devenu un expert en la matière. Auteur du livre «Vie de Van», animateur de la série télé «La Belle Vie» et blogueur, Julien a d’ailleurs fait de ce mode de vie sa principale source de revenus.

«J’avais besoin de recommencer à neuf. Ce style de vie m’a permis de me recentrer» - Camping Caravaning «J’avais besoin de recommencer à neuf. Ce style de vie m’a permis de me recentrer»

Depuis l’arrivée du petit Zak en 2021, sa conjointe et lui ont décidé d’opter pour un pied-à-terre dans les Cantons-de-l’Est. La petite famille continue néanmoins de voyager à bord de son Safari Condo pendant environ la moitié de l’année. «C’est notre premier hiver au Québec depuis neuf ans. On a bien hâte de reprendre la route au printemps!»

De la compagnie animalière

Mentionnons que le sondage du fondateur de Go-Van révèle qu’au moins le tiers des répondants voyage avec un animal. Ils gambadent principalement avec un ou deux chiens ou un chat. Pour Richard et sa conjointe Suzanne, cet animal de compagnie est actuellement un cheval. Oui, vous avez bien lu: un cheval!

Ce couple qui en est à sa septième année de vie à temps plein en VR est tombé l’été dernier sous le charme d’une jument. Afin de poursuivre son mode de vie nomade entre le Québec et le sud des États-Unis, les deux voyageurs ont troqué leur VR de près de 8 m (25 pi) pour une camionnette et une remorque suffisamment spacieuse pour eux et Fay. «Pour l’instant, cette vie à trois se passe bien», signale Richard, 65 ans, de quelque part en Arizona.

Depuis déjà 2017 que le couple vit sur les routes à temps plein. Enfin, presque à temps plein. L’été, le photographe et sa douce séjournent dans une caravane de parc au Camping Domaine du lac William, dans la région de Chaudière-Appalaches. «Depuis que nous avons vendu notre maison à Saint-Colomban, notre plan de match a été de vivre de cette façon pendant dix ans, jusqu’en 2027. J’avoue qu’il y a des matins où l’on souhaiterait tous les deux revenir à une vie normale. Mais, la  plupart du temps, tout va bien. Et ces jours-là, on souhaite vivre ainsi jusqu’à ce que le temps s’arrête», conclut Richard.

«Pour l’instant, cette vie à trois se passe bien», - Camping Caravaning «Pour l’instant, cette vie à trois se passe bien»,

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