Le comédien Luc Senay et la réalisatrice Janie Gaumond-Brunet vivent désormais à temps plein dans leur autocaravane Mercedes-Benz. Les deux artistes ont choisi la vie nomade dans une volonté de simplicité et de liberté, doublée d’un esprit de découverte.
Le jour de l’entrevue, le couple se sent soulagé d’une chape de plomb qui pesait sur ses épaules depuis trop longtemps. Il lui aura fallu deux ans d’efforts pour passer d’une résidence emplie de biens accumulés pendant 22 ans de vie commune à un véhicule récréatif d’une longueur d’à peine 6,7 m (22 pi).
Mais voilà, les clés du condo loué depuis la vente de la grande maison de Shefford sont maintenant remises. Mieux encore : la seconde voiture a été retournée au concessionnaire et les dettes ont été remboursées en entier.
Affichant un air incrédule d’avoir réussi ce pari, Luc Senay et Janie Gaumond-Brunet se sentaient donc habités, ce matin-là, par une indicible légèreté distillée dans leur vie. « Quel sentiment incroyable », confie cette dernière, étonnée de ressentir cet apaisement même si elle vit, travaille et dort déjà dans son véhicule depuis décembre dernier.
EN PRENANT LA ROUTE, « NOUS NOUS SOMMES RETROUVÉS. »
« Je ne peux pas dire que je ne m’ennuierai jamais de ma maison », affirme-t-elle. « Mais rien ne va m’enchainer au matériel comme auparavant. »
Décision audacieuse
Les deux artistes de la télévision ont pris cette décision audacieuse en 2020 après avoir vécu à bord d’une petite caravane de type Alto pendant quelques étés. « Je m’en suis servi comme loge pour les tournages des Pays d’en haut et de 5e rang. C’était aussi le bureau de production de Janie. On s’y sentait hyper à l’aise », raconte l’acteur de 65 ans.
Ce bonheur de vivre à l’extérieur, avec le strict minimum, rendait difficile chaque retour à la maison. « Nous étions tellement malheureux. Ça ne pouvait pas durer », confie Mme Gaumond-Brunet, en évoquant l’entretien continuel et les rénovations onéreuses de leur résidence de style californien, construite sur un terrain boisé de trois acres.
Se sentant à la croisée des chemins, le couple a alors échafaudé de nouveaux projets professionnels, puis a commandé une nouvelle autocaravane chez CosyRoad, à Magog, avant de planter une pancarte Du Proprio devant sa maison.
Sentiment d'urgence
L’idée de tout vendre et de partir allait à l’encontre de toute logique, reconnait Janie Gaumond-Brunet, qui dit avoir dû expliquer maintes fois leur décision à leurs amis et à leurs conseillers financiers. Mais la perte rapprochée de trois amis de leur âge, coup sur coup, les a convaincus de l’urgence de profiter de la vie autrement.
La transition ne s’est cependant pas opérée en criant « Liberté » ! Vendre une maison pleine de souvenirs, mais aussi de meubles, d’outils, de décorations de Noël et autres objets pas si utiles amassés au fil des ans, n’est pas une tâche aisée.
« On a fait des ventes de garage, mis des annonces sur Internet, fait des dons autour de nous… Mais tout le monde a déjà tout ce qu’il lui faut. Finalement, c’est aussi difficile de se séparer de ses affaires que de se les procurer », constate Janie Gaumond-Brunet.
Direction Sud
Le couple n’a pas attendu de tout liquider pour mettre le cap sur la Californie, puis la Floride, juste avant Noël dernier. Il lui était urgent de partir faire du repérage en vue d’une série documentaire qu’il compte proposer à un diffuseur québécois.
Au cours de l’hiver, Luc Senay est revenu au Québec pour des tournages et des tournées. À la fin mars, il est allé rejoindre sa conjointe demeurée en Floride pour travailler. Une antenne StarLink, une bibliothèque de disques durs et un ordinateur lui suffisent pour accomplir la même somme de travail qu’elle abattrait dans un bureau à Montréal.
Allergiques aux terrains de camping, les deux nomades passent leurs nuits dans les stationnements de commerce ou de parcs publics, même s’ils craignent encore de déranger. Ils « paient » leur hébergement en offrant des repas aux sans-abris … et en déposant dans des sacs à ordures les détritus qu’ils ramassent pour nettoyer les lieux où ils s’arrêtent.
Même s’ils chérissent leur nouvelle vie, Luc Senay et Janie Gaumond-Brunet trouvent souvent difficile de côtoyer la pauvreté et la violence sous-jacente au rêve américain. « On ne s’y habitue pas », confie cette dernière, toujours bouleversée au souvenir d’une mère et de ses deux enfants condamnés à vivre dans une minuscule Tercel.
Amour et amitié
Leurs engagements professionnels les ont ramenés au pays pour l’été. ls en profitent pour visiter leurs proches comme jamais. « On n’invitait plus les gens parce que ça nous décourageait de préparer la maison. Maintenant, nous faisons le tour de nos amis pour leurs anniversaires », se réjouit Luc Senay.
La liberté de voyager au gré de leurs envies, la simplicité du strict nécessaire et le bonheur d’être toujours à quelques pas de son chez-soi font le délice de leur nouvelle vie. « Nous nous sommes aussi rapprochés l’un de l’autre, émotivement et physiquement. Nous nous sommes retrouvés », confie Mme Gaumond-Brunet.
Mais au-delà des petits plaisirs et des grands ravissements, le couple sent surtout les bienfaits de son délestage qui, par effet d’osmose, lui instaure peu à peu une nouvelle clarté d’esprit. Boulimique du travail depuis toujours, Luc Senay apprend notamment à renoncer à des projets emballants, mais taxant pour sa santé.
« Il réussit maintenant, pas toujours, mais parfois, à dire non », se réjouit son amoureuse.