Il fut un temps où il suffisait d’un coup de pied sur le flanc d’un pneu et d’un coup d’oeil à sa semelle pour se faire une idée de son état. Cette pratique, désormais folklorique, a cédé la place à des techniques basées sur la science pour déterminer l’usure, la santé et l’espérance de vie des pneus.
Sans doute parce que l’achat de nouveaux pneumatiques représente une dépense plutôt salée, certains caravaniers négligent de surveiller l’état des pneus de leur véhicule, mettant ainsi à risque leur propre sécurité et celle de leurs passagers. Dans cette perspective, ce dossier vise à apporter un éclairage sur la dynamique des pneus, leurs forces, leurs faiblesses, et à proposer des outils pour mieux gérer les « bottines » d’un véhicule motorisé, récréatif ou non.
Lieu de fabrication
Il est courant de voir et d’entendre des mises en garde contre des pneus d’origine chinoise. Pourtant, nombre de fabricants réputés pour leurs pneus de grande qualité ont recours à la main-d’oeuvre de ce pays pour fabriquer leurs pneus. Cette pratique ne signifie pas que la qualité de leurs produits est à la baisse.
Certes, beaucoup de produits conçus et fabriqués en Chine comportent des lacunes quant à leur homogénéité et leur fiabilité. Ce phénomène découle en partie de l’absence de normes uniformes, claires et rigoureuses, dont l’application serait régulièrement contrôlée lors du processus de fabrication. Le choix des matériaux utilisés pourrait également expliquer la variabilité de la qualité et de l’homogénéité.
En règle générale, ces lacunes n’affectent pas les grandes marques de pneus. Soucieuses de leur réputation, ces entreprises multiplient les contrôles pour s’assurer que la fabrication en sous-traitance respecte scrupuleusement les standards élevés qui ont fait leur succès.
Lecture de pneu 101
L’information importante à savoir sur un pneu est en permanence à la disposition de son propriétaire dans le manuel d’instruction remis à l’achat, à condition bien sûr que ce dernier sache la décortiquer. Les photos qui suivent résument les principaux éléments à connaitre. Pour illustrer cet article, nous avons eu recours à un pneu Michelin monté sur une autocaravane de classe B. Toutefois, les renseignements donnés valent pour tous les pneus, peu importe le type de véhicule.
Comme tous les fabricants, Michelin inscrit son nom en plusieurs endroits sur ses pneus. La mention apparaissant sur la photo précise également qu’il s’agit d’un pneu sans chambre à air (tubeless).
Cette section du pneu indique non seulement ses dimensions, soit 235/65 R 16 C, mais également sa date de fabrication au moyen du code « 4821 », juste dessous. Le premier nombre, 235, réfère à la largeur de la semelle en millimètres ; 65 indique la hauteur du pneu en pourcentage de la largeur de semelle. Un pourcentage élevé indique une pression élevée dans le pneu. À l’inverse, un pneu affichant un rapport de seulement 25 aura des flancs plus rigides qui favorisent son adhérence, mais il réagira mal sur une route cahoteuse.
Les lettres et chiffres qui suivent la mention DOT indiquent certains codes spécifiques au fabricant, mais seuls les quatre derniers chiffres s’avèrent utiles au commun des mortels. De ces quatre chiffres, les deux premiers, 48, indiquent que le pneu a été fabriqué durant la 48e semaine de l’année 21, un abrégé pour 2021.
Sur cette photo apparait le poids maximal que peut supporter ce pneu, en montage simple ou double. On y apprend que s’il est jumelé, sa charge totale sera réduite de 90 kilos, ce qui vaudra pour l’autre pneu aussi ! Cela s’explique du fait que les deux pneus étant près l’un de l’autre, le refroidissement des faces intérieures sera moins efficace. Bon à savoir : la semelle de ce pneu est unidirectionnelle, comme en témoigne la flèche. Il faut veiller, lorsqu’on installe le pneu, à ce qu’elle pointe vers l’avant du véhicule.
Le nombre de plis d’un pneu renseigne sur la solidité de sa structure et sa résistance aux impacts. Cette photo nous apprend que ce Michelin compte six plis sur la semelle et deux sur les flancs. Tressés et constitués de différents matériaux, en l’occurrence de polyester [2], d’acier [3] et de polyamide [1], ces plis constituent l’ossature flexible du pneu, ce qui lui donne du corps, maintient sa forme et assure son homogénéité.
À droite, les lettres M+S (pour mud et snow en anglais) indiquent que ce pneu peut rouler dans la boue ou dans la neige. Le pictogramme qui suit (le flocon dans une montagne) confirme son homologation pour nos hivers québécois.
Maintenant que nous maitrisons les données utiles à propos d’un pneu, il est temps de les mettre à profit pour améliorer la tenue de route, le confort et la sécurité de nos déplacements.
Viser le gonflage optimal
Tout véhicule à moteur comporte un autocollant apposé par le fabricant sur le cadre de la porte du conducteur ou sur le pilier adjacent. On peut y lire la pression maximale du gonflage des pneus avant et arrière. Par exemple, pour un châssis Transit 3500, ce sera 360 kPa (52 lb/po2) et 550 (80) respectivement. Ces mesures doivent être prises sur des pneus à froid, avant que le véhicule prenne la route.
Peu importe l’endroit où il est placé, le pneu illustré à la page précédente ne doit jamais être gonflé à une pression plus élevée que celle indiquée sur son flanc, soit 550 kPa. Cependant, selon l’endroit où il est monté sur un véhicule, l’on remarque que la pression de gonflage diffère de façon significative.
Cet écart s’explique par un poids moindre sur l’essieu avant que sur celui à l’arrière. Il faut également savoir que la consigne du fabricant concerne un véhicule chargé au maximum autorisé par son constructeur. Il est donc logique de conclure à une possibilité de moduler la pression de gonflage des pneus selon le poids réel du véhicule. Ainsi, un VR neuf, sans bagages ni provisions, dont les réservoirs septiques sont vides, pourrait s’accommoder d’une pression moindre des pneus pour favoriser une plus grande douceur de roulement.
Pour aider le consommateur à déterminer le gonflage idéal de ses pneus, les grands fabricants proposent sur leur site web un outil indiquant un gonflage proportionnel à la charge du véhicule. Cela implique cependant que le propriétaire connaisse bien le poids total de son VR au moment de prendre la route ainsi que la répartition de ce poids sur les essieux avant et arrière.
Pour obtenir ces renseignements, il suffit d’arrêter à une des pesées routières du MTQ situées le long des autoroutes du Québec. On place alors le train avant du VR sur un plateau et le train arrière sur le suivant. La plupart de ces pesées routières disposent maintenant d’un affichage numérique qui indique ces deux données ainsi que le poids total du véhicule. Il suffit alors de prendre une photo pour archiver ces précieuses informations.
Deux dangers : trop et, surtout, pas assez Il est facile de comprendre qu’un pneu trop gonflé puisse éclater, car l’air qu’il contient prend de l’expansion à mesure que sa température augmente. Mais plus que tout, c’est le sous-gonflage d’un pneu qui en cause l’éclatement.
L’explication logique de ce phénomène surprenant vient de la température de l’air qu’il contient. Déjà, le roulement et la friction du pneu sur un asphalte chauffé par le soleil produisent beaucoup de chaleur. Dans le cas d’un pneu sous-gonflé, un facteur encore plus important vient s’ajouter : le mouvement des flancs du pneu.
Pour constater si un pneu perd de l’air ou est sous-gonflé, on regarde toujours la partie reposant sur le sol et l’intensité de son écrasement sous sa charge. Le haut du pneu, lui, demeure intact et garde la forme, comme si de rien n’était. Pourtant, à chaque demitour de roue, la partie inférieure se retrouve en haut et ce mouvement de contraction/extension produit de la chaleur. Plus le pneu est mou, plus ce mouvement aura de l’amplitude et, avec moins d’air dans le pneu, la température augmentera encore plus vite, jusqu’au point de rupture.
Il convient donc avant chaque départ, alors que les pneus sont « à froid », de s’assurer que la pression respecte les limites indiquées sur l’autocollant ou le calcul sur les tables de proportionnalité du manufacturier. Heureusement, le tableau de bord de nombreux véhicules récents affiche l’état de la pression dans chaque pneumatique, calculée par l’ordinateur du véhicule grâce à des capteurs dédiés. Finis, les coups de pied inefficaces sur les pneus ! Vive le progrès !
Rides et vieillissement
Il est également un autre ennemi, beaucoup plus sournois, dont il faut se méfier : le vieillissement des pneus. Rien à voir avec l’usure du pneu qui, elle, est facile à détecter. Non, le seul véritable indice du vieillissement d’un pneu nous est fourni par sa date de fabrication.
Tous les pneus se dégradent avec le temps, qu’ils roulent beaucoup ou non. Le soleil et des polluants dans l’air comptent parmi les principales causes de leur dégradation. Il est scientifiquement établi que la durée de vie utile d’un pneu se situe à quelque cinq ou six ans. Il faut donc vérifier régulièrement l’âge de ses pneus. Contrairement aux aliments qui affichent souvent « meilleur avant », dans le cas des pneus, la péremption devrait se lire « dangereux après ».
Avec le temps, tout comme l’humain, un pneu développe des rides qui, dans son cas, deviennent des crevasses et continuent de se dégrader pour devenir des fissures qui augmentent sa vulnérabilité aux chocs de la route. Un pneu qui éclate ne prévient jamais, il suffit d’une fraction de seconde pour qu’il se déchire avec fracas, mettant en péril les personnes à
bord, mais aussi le véhicule.
Sur un véhicule d'occasion
Même si l’achat d’un véhicule d’occasion permet souvent de dénicher à un prix honnête un VR en bon état de marche qui pourra durer longtemps, il reste que le nouveau propriétaire ne pourra évaluer le véritable état des pneus. Se faire une idée de la façon dont ces pneus
ont été protégés contre le soleil et les contaminants de l’air est presque impossible. Même chose en ce qui a trait au respect constant de la pression dans les pneus. De plus, le VR a pu connaitre plusieurs propriétaires, ce qui multiplie la difficulté de tirer les choses au clair.
Conséquemment, une personne intéressée par l’acquisition d’un véhicule d’occasion serait fort avisée d’inclure systématiquement dans son budget d’achat une provision pour le remplacement des pneus. Évidemment, plus l’âge du véhicule est grand, plus cette recommandation revêt de l’importance.
En conclusion, il faut garder constamment à l’esprit qu’en VR, les pneus constituent le seul lien physique du véhicule avec le sol. Il faut donc prendre les précautions qui s’imposent pour que les pneumatiques soient toujours au meilleur de leur forme.